Seule pièce manquante à « l'intégrale Tarantino », ça faisait un petit moment que j'avais entendu parler de Four Rooms (Groom Service pour la VF). Quatre courts métrages, dont un réalisé par Robert Rodriguez, un par Quentin Tarantino, le tout produit par ce dernier. Quatre histoires se déroulant donc dans quatre chambres différentes de cet hôtel de luxe, la même nuit de la Saint-Sylvestre, le tout relié par un même groom, Ted, alias Tim Roth. Sur le papier, ça vaut une mi-molle.
Hop, le film démarre, et je suis déjà tout excité dès l'apparition des logos de Miramax Films et d'A Band Apart en orange sur fond noir. Mais très vite, première sueur froide. Non mais sérieux, c'est quoi ce bordel, un générique en dessin animé pseudo-humoristique du "bellhop" sur Vertigogo de Combustible Edison (oui, la chanson qu'on a tous vomie cinquante fois de l'émission On a tout essayé) ? On se croirait en plein Looney Toons. Je réalise être tombé dans un traquenard.
Le premier segment (The Missing Ingredient, réalisé par Allison Anders) démarre. Des sorcières tentent de faire revenir à la vie la déesse de la luxure. Et là, c'est le drame. Dès le début, Tim Roth, sur-maniéré, en fait des tonnes en réceptionniste. Et, grosso merdo, se fait envoûter/séquestrer pour que les witches/bitches puissent prélever ses précieux fluides corporels (oui oui, ceux-là), seul ingrédient manquant pour faire revenir cette vierge et innocente déesse du stupre (logique). Bref, malgré le second degré, c'est surjoué au possible (Tim, merde, quoi), et le fait que ce soit volontaire ne le rend pas moins insupportable. Et là, on tombe de Charybde en Scylla. Incrustations de petits coeurs hideux, Madonna aussi convaincante dans son rôle qu'un ornithorynque paraplégique... Faut être honnête, un érotique sur TMC a un meilleur scénar' et est mieux réalisé. Seul intérêt, la superbe paire de nichons de Ione Skye, que j'avoue avoir googlé juste après.
Et pour ceux qui ont survécu, la deuxième partie, The Wrong Man (Alexandre Rockwell) prend le relais. Et le film à sketch reprend du service. Mauvaise chambre, mauvaise personne, on nage en plein vaudeville. J'ai toujours autant envie de démonter la tête de Tim Roth à coup de pelle, mais la prestation des deux autres fait l'affaire. Le mec prend le groom pour l'amant de sa femme, et la salope, même bâillonnée, en joue. Le qui pro quo, à défaut d'être marrant, réussi à faire oublier le premier segment. On sourit un peu, en ce disant que finalement, ça sera juste mauvais, et pas aussi catastrophique que ça a débuté. Bref, notre réceptionniste, qu'on soupçonne encore d'être très (trop ?) mariage pour tous, réussit à s'extirper de cette mauvaise passe.
Si ce n'est que c'est pour se foutre dans une situation encore plus merdique. Antonio Banderas et sa belle épouse asiat' lâchent leurs deux gamins pour aller picoler à une soirée. Devinez qui va devoir veiller sur les mômes ? Ouais, gagné, notre groom. Et là, on sent direct que pour ce passage, The Misbehavers, c'est le père Rodriguez qui a repris le flambeau. Référence à la marque fictive de clopes Red Apples que Tarantino a utilisé dans Pulp Fiction (et qui apparaîtront dans Kill Bill, Death Proof ou Planet Terror), déjà une danse de Salma Hayek à la télé (Rodriguez vient de finir de tourner Desperado, et apparemment il pense déjà à cette sublime scène d'Une nuit en enfer)... L'aînée des deux gosses, Lana McKissack, est vraiment bluffante dans le rôle (un petit tour sur Google pour voir ce qu'elle est devenue, ça vaut le détour). Quand elle passe un coup de fil qui fait écho au segment précédent, je me dis qu'enfin, le show a commencé, et que je ne devrais pas passer un si mauvais moment. Clope, alcool, cadavre de pute et incendie involontaire, les sales garnements vont vraiment mener la vie dure à ce pauvre Ted, qui a heureusement calmé sa gestuelle, ses tics de langage, et ouvert sa grande gueule. Le final de ce segment est le premier moment de rire franc du film.
Ted the bellhop, au bord de la crise de nerf, a une dernière mission à accomplir. Livrer une bouteille de champ' (et quelques autres petits accessoires) à Chester, grand ponte d'Hollywood, interprété par Tarantino himself, et ses potes Norman et Leo, tous les trois ronds comme des queues de pelle. Oh, la pétasse de la deuxième partie s'est tapée l'incrust' à la soirée aussi. Et là, Quentin nous sort le grand jeu. Comme à son habitude, il débite soixante-dix mots à la seconde, marche sur quatre kilomètres, et te place trois références cinématographiques à la minute. Et c'est autour de l'une d'entre elles que la dernière partie est axée. Comme dans l'épisode de la série d'Alfred Hitchcock, A Man from South, avec Peter Lorre et Steve McQueen, Chester fait un pari à la con avec Norman. Si ce dernier réussi à allumer dix fois d'affilé son Zippo, il repart avec la bagnole de Quentin (coucou le beau cabriolet rouge que Travolta conduit dans Pulp Fiction). Sinon, notre groom lui coupe le petit doigt (mais il fait pas ça gratos, hein, on crache pas sur mille biftons). Tarantino nous livre une scène finale menée de main de maître, de quoi avoir la banane pour toute la journée. Mention spéciale à Leo, joué par Bruce Willis, non crédité au générique, car il a tourné gratos pour son pote Quentin et c'était le seul moyen d'éviter un procès de la Screen Actors Guild. Et ouais, on badine pas avec Hollywood. Sur ce, je me le rematerais bien, ce Groom Service.