Sorti dix ans après l'incontournable comédie sociale que représente Marche à L'Ombre le second long métrage du désormais regretté Michel Blanc reste une franche réussite ; loin d'être un simple ego-trip Grosse Fatigue démystifie tout ce que nous avons toujours voulu savoir sur Michel Blanc (sans jamais oser lui demander), l'acteur-réalisateur s'amusant à briser subtilement son image de clown névrotique et hypocondriaque persécuté par un sosie escroc, usurpateur et libidineux.
D'après une idée originale - et non des moindres - de Bertrand Blier ( avec qui Michel Blanc aura joué à deux reprises en la forme du chef d'oeuvre Tenue de Soirée et en celle du très méta et composite Merci la Vie ! cinq ans plus tard ) Grosse Fatigue prend comme postulat le quiproquo comique et l'inversion des rôles intrinsèque à la double composition de Michel Blanc. Sur à peine un peu plus de 80 minutes l'acteur parvient à conjuguer son talent de comédien gauche et élégamment ridicule et ses qualités de dialoguiste à la dimension absurde, parfois proche de l'abstraction des films de Blier. Prémices probables des Acteurs tourné à la toute fin des années 90 Grosse Fatigue s'amuse à écorner l'image d'un star system au coeur duquel ses représentants s'amusent à renfort d'auto-dérision jubilatoire. Ainsi Carole Bouquet y apparaît belle comme le jour mais non dépourvue de désirs sexuels, Josiane Balasko s'y livre à un numéro de femme mal dégrossie mais franche du collier et Philippe Noiret illumine de sa présence une ultime scène en forme de mise en abyme savoureuse.
Bien écrit, excellemment bien interprété et en outre suffisamment drôle pour en devenir culte Grosse Fatigue confirme les qualités de réalisateur de Michel Blanc déjà palpables dans Marche à L'Ombre... S'ensuivra un beau mais plus inégal Mauvaise Passe sept ans plus tard, troisième réalisation portée par un Daniel Auteuil lui aussi en pleine crise identitaire et de laquelle Michel Blanc sera ( une fois n'est pas coutume ) fortement remarqué par son absence...