La première fois que j'ai vu ce film, il y a une poignée de mois, je m'étais tout de même pris une succulente mandale dans la tronche, le genre de révélation filmique élégante comme une volée de bois après une détonation de shotgun. Un film qui m'expliquait posément, avec calme et sérénité dans une tension pourtant sismique, pourquoi Steve McQueen est depuis des années un acteur que j'adule au plus haut point.

La scène d'intro, parcourue par ce type à la démarche nonchalante dans un découpage aussi bordélique que le bouillonnement de rage qui semble pleinement l'habiter, frôle une perfection bluffante, d'une très grande justesse, collant au personnage et t'empoignant le col pour t'attirer définitivement dans cette déambulation sablonneuse.

Rarement les ambiances n'ont été si bien placées, rarement les ambivalences si bien amenées. Les jeux de suggestions et de regards sont d'une force rare et jettent sans égard le duo de tête dans une atmosphère étouffante et tamisée suintant le sexe et la haine, l'attachement et la répulsion, les griffes et le sang.
McQueen est à peu près monumental dans son rôle, flirtant avec l'époustouflant de charisme, pleinement à son aise dans cette mise en scène baladeuse avide de sa présence imprégnée. Dans le coin opposé, accusant tout juste trois rôles à la pesée, Ali MacGraw, yeux sombres et démarche sinueuse, réussit l'improbable, tenir tête plus que bien et imposer son rôle avec poigne. Totalement saisissante, alliance de traits presque adolescents et de froideur taillée à coups de machette; c'est presque un léger voile de faiblesse démunie qu'elle dépose par instants sur son partenaire tant elle campe un personnage assuré et perçant.

Et ce couple volcanique traverse le film dans un éclat stupéfiant au milieu d'une galerie de gueules absolument savoureuses, entre prise d'otage surréaliste et armée de Stetson cupides, tailladant leur chemin hargneux et cabossé dans un air poisseux et lourd aux vagues teintes d'insaisissable onirisme, mirage dansant où la poussière, le sang et la sueur se donnent rendez-vous pour une valse crasseuse aussi stagnante qu'explosive.

Un film qui m'a fait découvrir et goûter une source d'inspirations dont j'ai par ailleurs tant aimé les multiples rejetons. Un film qui m'a confirmé que McQueen n'est jamais meilleur que quand il joue McQueen, monolithe glacé au regard ardent totalement possédé par son rôle, semblant jouer à la perfection même lorsqu'il marche de la manière la plus naturelle du monde, déchiré sur un fil fébrile de tension ordalique, force tranquille et désabusée, bâton de dynamite à la mèche d'apparence éteinte, le pas sûr et le flingue facile, les traits passant de la peur timide à la haine cataclysmique en quelques dixièmes de seconde... Ce type était un miracle d'acteur, un de ceux dont le bref passage forge un mythe. Un gredin badass à faire passer n'importe quel Danny Trejo pour un pirate Playmobil, du C4 sur pattes, un nid de guêpes excitées, un tigre à l'oeil qu'à demi fermé, la plus sympathique des teignes.

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le 12 janv. 2014

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zombiraptor

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