Guibord s'en va-t-en-guerre réussit le pari génial de faire rire avec une politique fiction intelligente. En voyant la bande-annonce pour la première fois, j'étais pourtant loin d'être aussi enthousiasmé, mais finalement je trouve qu'elle retranscrit assez mal toute la finesse de l'écriture du film. Il n'y a absolument aucun sacrifice de la complexité du propos au profit de l'efficacité de l'humour. Bien au contraire, l'équilibre trouvé est plutôt savoureux.
Philippe Falardeau aborde donc la question de l'entrée du Canada dans un conflit armé au Moyen-Orient avec un excellent parti pris. Celui de personnifier le débat en portant toute sa responsabilité morale sur Steve Guibord, un petit député indépendant débordé par des affaires locales. Le cinéaste navigue alors entre toutes les strates du questionnement avec aisance prodigieuse : le point de vue de l'homme et de sa famille, la manière dont un enjeu national peut être instrumentalisé par des intérêts locaux - et l'inverse -, les calculs de l'échiquier politique qui se mettent en branlent, les ficelles émotionnelles pouvant être insidieusement exploitées... Si bien qu'il finit par transcender très largement le sujet initial pour esquisser un portrait réaliste de certains mécanismes démocratiques modernes. En tant que Français, je ne compte même pas le nombre de faits politiques qu'on peut facilement rattacher aux situations présentées.
Dans ses multiples pérégrinations, Guibord sera également aidé par Souverain, un Haïtien débarquant au pays des Caribous pour suivre un stage. Qu'on se le dise, le personnage est ÉNORME. Ça fait longtemps que je n'ai pas vu un comic relief aussi bien soigné; toujours au diapason avec les situations légères d'un film. Mieux ! Plus l'histoire avance, plus son personnage dépasse cette case et réussit à s'imposer comme la pierre angulaire qui relie Guibord au spectateur. Passionné par la géopolitique, le jeune homme ne va pas hésiter à dégainer des citations de ses maîtres à penser (Voltaire à Montesquieu) et à vulgariser bon nombre de points techniques avec une légèreté déconcertante. Il apporte surtout le regard que poserait un étranger sur la culture canadienne, écartant ainsi le risque de sentir exclu du récit.
La réalisation n'est pas en reste puisqu'elle sied parfaitement au comique de situation ambiant, tout en se permettant quelques fulgurances créatives qui font presque toujours mouche. À l'instar des quelques splitscreens habilement utilisés. De même pour la BO qui en plus d'être bonne, souligne bien les passages quasi cartoonesques qui émaillent l'histoire.
Une bonne petite surprise qui montre qu'une comédie peut très bien s'attaquer à des sujets sérieux sans dénaturer leurs essences et sans verser dans le "chiant". Cinéaste à creuser.