Hardcore Harry

On s'est tous marré devant les photos de tournage improbables montrant Daniel Radcliffe en peignoir et chaussons pattes-de-monstre affichant une tête de fou furieux avec ses deux flingues. Ce qui motivera le visionnage de ce film, c'est précisément cette envie d'assister à une connerie invraisemblable qui ressemble à un Edward Aux Mains d'Argent avec des guns (c'est même cité dans le film) et Harry Potter qui fait l'andouille. Et c'est exactement ce que l'on obtient.

Un geek, qui un coup chasse les trolls un coup en devient un à ses heures perdues, se retrouve embarqué dans un jeu de massacre avec des pistolets vissés aux mains qui le rendent maladroit et le font passer pour un tueur cinglé. Le film aurait pu se contenter de jouer sur l'enchaînement de fusillades et les emmerdes de Daniel à se sortir d'un monde où tout lui est hostile, mais il a une très mauvaise idée : se poser en portraitiste de cette génération addict au spectacle violent et toxique où l'on s'insulte de sale manière sans y réfléchir plus que ça. Le problème est que, comme la plupart des films traitant des millenials, ça se croit beaucoup plus malin que ça ne l'est réellement. Le film balance tous les lieux communs à ce sujet comme un Black Mirror du pauvre et enchaîne des vannes sur les clichés du cinéma d'action tout en s'y confortant grassement, à l'image d'un Deadpool. On nous présente une fille dont le héros est amoureux tout en nous assurant que non, ce ne sera pas une histoire d'amour. Et devinez quoi ? Elle sert à se faire enlever pour que le héros la délivre à la fin. Ouah, trop subversif dis donc ! Le tout avec une réalisation qui se la joue Scott Pilgrim en foutant l'imagerie et les sons des jeux-vidéo de manière régulière et pas bien originale.

Car oui le film a un propos concernant les gamers. Vous avez déjà dû entendre parler de quelques films d'horreur interrogeant le rapport du spectateur à la violence, faisant genre de le juger à ce sujet tout en faisant son commerce de cette même envie ? "Ah tu aimes ça le sordide, eh bah tiens je t'en donne espèce de pervers !". On est dans le même niveau. Daniel Radcliffe s'adresse au public de ce jeu de la mort en leur reprochant d'être accro à toute cette violence, mais le film verse totalement dans ce même racolage. S'il se contentait d'être fun ce ne serait pas un problème, mais l'hypocrisie de la morale joue contre lui.

Concernant la toxicité de la scène gamer compétitive : ça nous parle de gens qui se montrent incroyablement violents verbalement, notamment contre les noobs qui ne veulent pas rentrer dans cette course à l'humiliation. La plupart des vannes sont des insultes beaufs sur le fait que Daniel Radcliffe n'est pas un vrai bonhomme parce qu'il vit seul et ne sait pas se battre. Cela aurait pu constituer un bon point pour le film car c'est un vrai soucis dans la communauté gamer, élevée dans l'idée de massacrer un adversaire que l'on ne rencontre pas et manquant de recul pour se prémunir d'un comportement malsain. Sauf que non, ces blagues super lourdes sont vraiment censées faire rire (pour vous donner une idée du niveau, on nous sort "Tu as quelque chose à compenser !" devant un gros flingue). Le personnage de Daniel Radcliffe ne récupère pas le respect en affrontant les moqueries sur son niveau, ses tentatives pour mettre les gens face à leur rabaissement excessif sont piteuses et servent de gag. Non lui il se transforme soudainement en pgm et se fait admirer pour sa capacité nouvelle à tuer plein de gens. Il devient précisément le modèle qui génère cette agressivité et c'est présenté comme cool, à une scène près qui rappelle brièvement ce qu'est un meurtre avant de revenir à l'épilogue qui nous le montre en super-héros.

Avec tout ça, on est face à de la grosse merde. Mais pas de la mauvaise merde, de la bonne merde. Je veux dire par là que ce n'est pas de la merde fade qui n'offre pas ce qu'elle nous a vendue, celle qu'on oublie immédiatement en se disant qu'on s'est fait arnaquer. Ce qu'on a c'est la merde qui y va à fond. Le méchant est horriblement naze, le scénario est aussi crétin qu'il se croit intelligent, l'humour est nul au possible, c'est beauf, ça canarde à découvert en hurlant avec des tueurs d'élite qui ne touchent jamais leur cible, ça confond régulièrement dynamisme et tourniquet de caméra, mais ça ne flemmarde jamais. L'hystérie qui s'en dégage évoque Hyper Tension, ça fatigue mais c'est à propos pour cette journée en enfer au pays de Jackass. La réalisation tente tout et n'importe quoi, ça a parfois l'air d'être fait au pif juste pour verser dans l'agressivité avec des filtres colorés pour les scènes nocturnes, des gros plans en grand angle pour les méchants et des plans débullés parce que pourquoi pas. Mais des fois il y a un truc. Un des rares bons gags marche précisément grâce à un mouvement de caméra malin. On a quelques séquences survoltées avec des chorégraphies vénères qui font plaisir, malgré le côté kéké qui domine. Le réveil de Daniel Radcliffe avec ses flingues ressemble à du Gaspar Noé bourré, c'est fascinant à observer comme un junkie en bad trip qui lutte à mort contre un carrousel.

Guns Akimbo n'est indéniablement pas un bon film, mais c'est un film qui ne déçoit pas. Vous aurez la merde que vous vouliez, et si ça vous branche vous ne regretterez pas forcément le moment même s'il se montre insupportable parfois. C'est une expérience en gros, à voir entre potes avec de la bouffe à grignoter.