Godard avait dit un jour "il y a le visible et l'invisible, si vous ne filmez que le visible, c'est un téléfilm que vous faites", mot pour mot, je le sais parce que j'ai regardé sur dicocitations.com. Donc avec la bénédiction de Godard on a la preuve que Dumont nous fait ici un vrai film de cinéma. Le thème est simple, limpide : Céline est amoureuse de Jésus. Jésus n'est ni visible ni palpable, donc Céline souffre. Cette analyse ne vient pas de moi, elle nous est donnée au milieu du film pendant une conversation entre Céline, qui est donc catholique, et Nassir, une sorte d'Imam de quartier.
Céline, ou Hadewitch, est pleinement chrétienne dans son rapport à Jésus, un rapport qui problématise la question de l'incarnation de Dieu. Comme Jésus elle est de chair, son rapport à Dieu ne peut donc qu'être charnel. Il passe par la souffrance bien sur, le froid, la pluie, la faim, qui sont pour Céline des moyens de se rapprocher du Christ. Plus tard il passera aussi par l'amour, un amour quasi-charnel que Céline entretiendra avec Yassine. Ce sont précisément ces moments d'amour qui font d'Hadewitch un très grand film, un film qui capte l'invisible. Quand Hadewitch prend Yassine dans ses bras, on sent tout l'amour qu'elle éprouve, et on ne peut qu'être ému par cet amour maladroit et ambivalent. Hadewitch témoigne par ces gestes de son besoin d'entrer en relation charnelle avec le Christ, un besoin évidement impossible à combler, et qui fait donc transparaître l'ambiguïté entre l'amour pure et de désespoir de Céline. Ce besoin d'amour impossible a combler trouvera paradoxalement sa résolution dans le terrorisme et la mort.
Mais comme toujours Dumont ne nous laisse conclure ni à la damnation ni à la salvation de son héroïne. Le dernier segment nous laisse voir Céline de retour au couvent. Se repend-t-elle de son acte ? Est-elle toujours chrétienne ? Est-elle musulmane ? A-t-elle finalement trouvé Dieu ? Va-t-elle être punie ? Va-t-elle être sauvée ?