Dumont aborde un sujet difficile avec une intelligence rare et une connaissance encore plus rare des exigences de la foi dans le monde moderne. Un film assez proche de l’Ida de Paweł Pawlikowski, en plus radical.
Portée par une actrice d’une grande fraîcheur qui semble « jouer » à peine, Julie Sokolowski, la narration économe et pudique nous fait suivre une jeune fille presque encore adolescente habitée par une foi absolue, dont elle cerne encore mal les contours et surtout qui semble la séparer irrémédiablement du monde.
Ce qui est passionnant, c’est que l’errance de Hadewijch, son nom religieux faisant référence à une mystérieuse mystique et poétesse branbançonne du 13 ème siècle, la jeune fille se prénommant Céline dans la vie laïque, vient de sa soif d’amour, de son désir profondément charnel, de vivre son amour du Christ. Amour qu’elle dit être le même que celui qu’elle ne peut donc éprouver pour un malheureux et énamouré maghrébin rencontré avec ses amis dans un café parisien.
Avec un candide naturel elle lui avouera vouloir rester vierge par fidélité envers Dieu. Frustré et incapable de la comprendre, il la traitera de folle - et elle l’est bien un peu quand, accompagnée de son petit chien, elle accoste un groupe de jeunes désoeuvrés à molosse traînant au bas d’un immeuble, on se dit que leur bulldog à collier à clous ne va faire qu’une bouchée du petit terrier de salon et pareil pour les jeunes envers la petite bourgeoise proprette, et bien… non ! ou quand elle invite son petit ami banlieusard typique sans travail et sans formation dans le magnifique appartement de son ministre de père sur l’île de la cité…
Mais ce petit ami improbable va lui présenter son frère et là le film va prendre de l’ampleur. Ce jeune homme anime des groupes de réflexion sur Islam dans sa banlieue et Céline va chercher une solution à ses problèmes auprès de celui qui prône une religion combattante, une foi guerrière. On assiste à de très percutants échanges sur la manière de vivre la foi respectivement dans l’Islam et dans le catholicisme.
Ce qui apparaissait comme une façon d’incarner un amour incommensurable se révèlera une terrible impasse que Dumont évoque avec une grande subtilité.
La question posée par le film est l’impossibilité de vivre une foi profonde dans le monde moderne quand on veut rester dans ce monde. La claustration ou l’érémitisme sont peut-être les seules solutions (et encore, la claustration nécessite t’elle des concessions pour permettre aux plus tièdes d’accepter l’absolu don de soi…)
Un film quand même à réserver à ceux qui se sont déjà posé des questions sur la foi.