Halloween, c'est un monument. Un masque sans expression. Une ombre lourde de menace qui vagabonde dans cette banlieue automnale mid class américaine qui se prépare à célébrer les morts.
Halloween, c'est un classique indépassable qui ne souffre que de la succession de ses épisodes, dont les premiers étaient parés d'une bonne idée, mais la plupart du temps vains, ineptes et incroyablement anonymes. Pour arriver à une Résurrection au goût de trahison et d'enterrement en fosse commune d'une quelconque envie de bien faire.
Alors, quand l'industrie actuelle s'empare du mythe pour le réanimer au goût du jour, il y a de quoi jeter un regard inquiet et déjà brandir le fusil à pompe pour exécuter les coupables, d'autant plus si c'est Jason Blum à la barre, selon certains gardiens du temple.
Et au vu de la qualité des remakes / suites récentes, l'inquiétude ne peut qu'étreindre le spectateur au moment de payer sa place.
... Déjà qu'il s'attend une fois de plus à une rincée difficilement supportable vue la salle pleine de 12/20 ans agités et rigolards qui garantissent une séance pénible...
Sauf qu'Halloween tient d'une sorte de miracle.
Car malgré l'agitation feutrée mais perpétuelle, les éclats de rire crétins propres à faire sortir immédiatement de l'expérience, les entrées et sorties énervantes pour aller pisser et le pop corn croqué avec une ardeur sonore qui dépasse l'entendement, Halloween parvient à renouer avec l'opus majeur signé Carpenter. Si le prétexte de départ pourra laisser sceptique, une fois le générique passé, David Gordon Green met les choses au point en plaçant sa caméra du côté des victimes, de leurs trauma et de leur envie d'en découdre pour se venger.
Idem pour les dommages collatéraux du cauchemar quand il met en scène la fille et la petite fille de la victime, affectées chacune à leur manière par les exactions de Michael qui ont eu de sérieuses répercussions sur leur vie.
Quant à Laurie, elle est méconnaissable : elle se prépare depuis quarante ans à l'affrontement final et prend les allures bien warrior de Sarah Connor essayant de prévenir le jugement dernier. Brisée, asociale, alcoolique, désabusée, Jamie Lee Curtis renaît littéralement dans le rôle qui l'a consacrée.
Cette histoire de mal en héritage, montré comme un fardeau, remonte jusqu'à Michael, qui redevient l'incroyable symbole de la mort qui rode, sans visage, sans passé familial (à l'inverse de la version de Rob Zombie), cette shape menaçante même quand il n'est pas là à l'écran. Comme chez Carpenter, qui réorchestre son main theme immortel et inquiétant, tandis que Green renoue avec l'atmosphère tendue de son glorieux aîné. Le tout malgré l'agitation détestable des saletés d'ados têtes-à-claques de service.
Ainsi, le temps d'un plan séquence tétanisant vagabondant entre les pavillons identiques d'une rue d'Haddonfield, le réalisateur touche la grâce aux yeux du spectateur transporté, désarmé, qui est en train de revivre ce qu'il a éprouvé à la première vision de La Nuit des Masques, tandis que l'actualisation ne génère aucun heurt, aucune faute de goût majeure. Halloween réussit à émuler l'ambiance lourde de son modèle, sa tension, ses saillies d'une violence sèche et d'une méchanceté assez malsaine.
Mais il ne faut pas pour autant se voiler la face : c'est parfois un peu maladroit ou abrupt dans l'enchaînement des intrigues, surtout dans la dernière ligne droite. Certains micro-évènements ne fonctionnent pas toujours. Et il y aura toujours des petits cons pour rire bruyamment et en retard pour des broutilles. Mais bon Dieu, que ce remake se montre plaisant à suivre ! Prenant, tendu, extrêmement solide et respectueux de son héritage, Halloween réussit l'exploit de laisser croire qu'une suite ou un remake d'oeuvre culte, aujourd'hui, n'est pas systématiquement synonyme d'odieux ratage.
Un exploit.
Behind_the_Mask, American Nightmare.