Après l’échec de Halloween V, le producteur Mustapha Akkad se met à la recherche d’un scénario valable pour une suite. Après plusieurs propositions infructueuses, de nombreux soucis juridiques met un frein au processus. Le projet est alors mis en suspens pendant plusieurs années jusqu’au rachat, en 1994, des droits de Halloween par la société de production Miramax Films, alors propriété de Disney, qui fait en plus l’acquisition de la saga Hellraiser.
Halloween VI est dès lors mis en chantier. À cet instant, Mustapha Akkad tombe sur un script écrit par Daniel Farrands. Passionné par la saga, ce dernier s’était lancé en solitaire dans la rédaction d’un scénario avec une biographie pour chaque personnage ainsi qu’un arbre généalogique des familles Myers et Strode. Ses travaux visaient à lier tous les films entre eux et offrir une vraie cohérence à une franchise devenue complexe.
Daniel Farrands se donne pour mission de relier Halloween IV et Halloween V aux deux premiers et d’ouvrir la voie à d’autres chapitres. Il doit d’abord répondre à différentes questions restées sans réponse à la fin de l’épisode précédent : l’identité de l’homme en noir ou le symbole de Thorn sur le poignet de Michael Myers.
Il imagine une secte qui aurait placé une malédiction sur Michael Myers par le symbole de Thorn sur son poignet en se basant sur le dialogue d’une courte séquence de Halloween II et du mot « Samhainn » (ce qui rejoint aussi l’intrigue de Halloween III). Cette malédiction serait les raisons de sa rage meurtrière et de son immortalité.
Daniel Farrands va aussi faire revenir certains personnages de Halloween comme le Docteur Wynn ou Tommy Doyle, le petit garçon gardé par Laurie Strode (par contre pas de nouvelle de Lindsey Wallace).
Tout semble partir sur de bons rails, mais il est impossible de ne pas évoquer les multiples difficultés rencontrées en production. Dès le début du tournage, le lieu de tournage est touchée par des tempêtes de neige. Autre souci majeur, le producteur Moustapha Akkad (associé à son fils Malek Akkad) a une vision différente du film et demandent fréquemment à Daniel Farrands des réécritures. Le scénario se voit ainsi réécrit jour après jour. Et même en post-production, le producteur entend bien imposer ses idées.
Les projections tests ne sont pas bonnes.
Le réalisateur Joe Chappelle est rappelé pour tourner des scènes supplémentaires. Et cette fois c’est au réalisateur d’avoir sa vision du film. Il va s’en donner à cœur joie. Il coupe plus de quarante minutes de métrage et remonte certaines séquences privilégiant le suspense afin de les rendre plus tendues et violentes. Certains flashbacks explicatifs disparaissent, la présence de la secte est réduite et les références au symbole de Thorn sont supprimées. L’épilogue du film est entièrement retourné et occulte toute référence à la secte, pourtant élément central du scénario.
La production catastrophique permet de comprendre les innombrables défauts. Ainsi, certains personnages clés du récit vont et viennent sans réel but et semblent faire de la figuration, tandis que d’autres sont introduits pour ne plus jamais réapparaître, comme le Docteur Wynn, ou sont simplement présents pour se faire exécuter. Pour exemple, le Docteur Loomis, présent dans le premier acte, disparaît complètement du métrage sans raison, avant de revenir comme par enchantement quelques secondes pendant le final. Le pire sort est celui réservé à Jamie Lloyd. Pourtant centrale dans les deux précédents volets, la jeune femme est supprimée dès le début du métrage, comme un élément gênant que les producteurs voulaient vite éjecter du récit, alors que les premières versions du scénario lui attribuaient un rôle nettement plus conséquent.
Au milieu de tout cela, Donald Pleasence paraît dépassé par les événements et le film ne sait pas exactement quoi en faire. Le célèbre Docteur est surtout présent par obligation, bien que Pleasence prenne toujours du plaisir à incarner le personnage. Débordé mais déterminé à arrêter de nouveau Michael Myers, il paraît néanmoins fatigué et épuisé. L'acteur étant malade sur le tournage puis décédé peu de temps après la fin des prises de vue, sa prestation inspire alors autant l'admiration que la sympathie. Il est presque impardonnable que le réalisateur Joe Chappelle ait supprimé une grande partie de ses scènes.
Tommy Doyle est le digne successeur du Docteur dans la lutte contre le boogeyman. Malgré la performance parfois surjouée de Paul Rudd et des propos souvent loufoques, le jeune homme emporte vite mon adhésion.
La famille Strode, maudite jusqu’à la moelle, ne retient pas notre attention. Le petit clin d’œil à John Carpenter et Debra Hill avec les parents portant leurs prénoms est sympathique. Rien d’autre, je ne me suis même pas attaché à Kara Strode et son fils
La bande originale est toujours assurée par Alan Howarth (Halloween IV et Halloween V), qui je le rappel, est un grand collaborateur de John Carpenter avec qui il a travaillé sur Escape from New York, Halloween II, Halloween III, Christine, Big Trouble in Little China, Prince of Darkness et They Live. Mais la bande originale subit aussi les errances de la production, l’équipe fait appel aux services de Paul Rabjohns pour réorchestrer la composition. Ces réécritures plutôt douteuses et agressives pour les oreilles se feront sans l’accord de Howarth et n’aident pas l'opus à se démarquer des autres.
Halloween VI pâtit d'une bien triste réputation. Vendu comme l'opus qui répondrait à toutes les questions sur la folie meurtrière de Michael Myers, le film fait plus parler de lui pour sa conception chaotique que pour ses qualités. L'intention de Daniel Farrands était pourtant louable et aurait pu contenter grand nombre d'amateurs du genre, voire contribuer à la renaissance du boogeyman. Au final, on a eu une bataille d’ego…