Ce que j'ai trouvé particulièrement frappant dans ce documentaire, c'est la façon dont on nous met face au réel : la façon dont se passe concrètement le pillage des terres et l'indignité qui recouvre les colonisés ainsi que leurs ressentis devant toute l'absurdité justifiée par le sionisme. J'ai vraiment ressenti de l'empathie pour les Palestiniens parce que j'ai pensé plusieurs fois que c'est exactement ce que je ferais si j'étais à leur place et qu'il me restait un peu de dignité.
Que le Hamas soit une organisation islamiste, je ne peux que l'approuver hélas, mais il s'agit dès lors de comprendre dans quel contexte est née cette organisation ? Quelle est son histoire ? Quel est son rapport avec la colonisation ? Et donc de se demander qui impose la violence et quelle réponse peut-il y avoir en face ? Directement, ça me fait penser à certains passages brillants des Damnés de la Terre de Frantz Fanon que voici : "Le colon, en face du colonisé, se fait soldat, policier, bourgeois. Le niveau minimum institué par le colon est, précisément, celui de la violence. Le colon est un modèle de la violence pour le colonisé. Ce dernier n'est jamais en retard sur le colon. Il ne le copie que trop bien."
Dans le documentaire, on nous met droit face au niveau de violence imposé par les colons dans la relation coloniale. Le colonisé, en réaction à cette violence, finit par l'intégrer et la reproduire, mais toujours dans un contexte imposé par le colon et je pense que ça c'est très important à saisir.
"La colonisation n’est pas une machine à penser, n’est pas un corps doué de raison. C’est la violence à l’état de nature et ne peut s’incliner que devant une plus grande violence."
Bien sûr que pour comprendre tout l'enjeu de ce conflit, il ne faut pas se fier aux médias qui font comme si le conflit avait commencé le 7 octobre 2023 alors même que le documentaire démontre que cette attaque tragique n'est que la réponse logique de plusieurs décennies d'intensification du processus de colonisation, de violences, de conflits intergénérationnels asymétriques comme l'ont montré factuellement les deux intifadas dans lesquelles des enfants palestiniens se battaient contre les autorités israéliennes avec des cailloux. Aujourd'hui, quand on regarde sur Google Maps l'état de Gaza, c'est absolument désastreux et rien ne peut justifier les milliers de civils morts au nom de l'impérialisme qui dure depuis près d'un siècle.
Que l'on qualifie le Hamas de terroriste ne me semble pas tout à fait faux, à condition de saisir la distinction inexistante entre terrorisme et résistance : ce sont les mêmes mots utilisés de deux points de vue opposés. Le Hamas est une organisation terroriste pour le sionisme, de la même manière que la Résistance française, qui a saboté et organisé des attaques terroristes pour se défendre contre l'envahisseur allemand lors de la Seconde Guerre mondiale, était perçue par la Wehrmacht comme du terrorisme. Ce sont donc deux mots pourvus du même signifiant, et la légitimité d'une institution n'est toujours que relative à celui qui est au pouvoir (si l'Allemagne avait gagné la guerre, il y a fort à parier que la Résistance serait dénigrée par le roman historique national).
Le sionisme est devenu (je dis bien "devenu" parce que ça n'a pas toujours été le cas) un concentré d'idéologies réactionnaires qui, l'histoire s'en souvient, a fini par faire péter le monde entier au début du siècle dernier.