Hana et Alice mènent l'enquête
6.3
Hana et Alice mènent l'enquête

Long-métrage d'animation de Shunji Iwai (2015)

Shidah Izumi ヘクとパスカル (Hec & Pascal) - Fish in the pool


Avant de vous parler du film je pense qu'un petit retour sur moi s'impose. Pour plusieurs raisons, la première étant que SensCritique vous permet allègrement de vous astiquer le moi et pour certains le surmoi et de vous dire vous-même, mais surtout parce qu'une note est une appréciation toute subjective et que ce petit texte n'est - comme toutes mes maigres productions - que la somme de mes expériences et de mes sentiments mis en rapport avec un message et une production culturelle.
Plus avant, je pense qu'il faut dire que je me considère comme un vrai fan d'animation ( et plus particulièrement japonaise ), un mordu, un indécrottable rêveur qui trouve une échappatoire salvatrice dans la démesure et l'emphase du dessin animé.
Je prétends - à titre très personnel - que l'animation est le meilleur vecteur du rêve, le plus puissant outil cinématographique pour diffuser un message, une intention, pour inviter à entrer dans des atmosphères oniriques ou pour rendre plus tangible - plus réel - le réel même. C'est le média de toutes les folies, de toutes les audaces visuelles, laissant libre cours à une imagination débridée dans Mind Games, à une folie jouissive et une débauche visuelle dans Dead Leaves, mettant plus sûrement que le film traditionnel l'accent sur les personnages, transmettant avec plus de puissance leurs sentiments, soulignant avec plus de vigueur les situations comiques - à ce titre je parle surtout de l'animation japonaise au style de dessin souvent épuré et dépouillé qui accentue beaucoup les réactions de ses personnages - et surtout permettant d'entrer le plus sûrement dans des univers oniriques, de s'émerveiller sur des mondes magiques fantasmés, immenses plaines, villes tentaculaires sous le soleil couchant. Que ce soit par le style, par le dessin et la technique choisie, par la démesure permise ou au contraire la retenue pudique et mélancolique, l'animation est un sûrement mon univers favori, entre tous. Celui qui me fait quitter ma réalité, m'emporte, m'empoigne, me fait plus sûrement que tout autre style pleurer ou rire aux éclats.
Parmi les films d'animation ou les séries animées, je pense qu'il n'est pas difficile de comprendre que je préfère l'animation japonaise, malgré le fait que je m'y sois collé très tardivement (pas avant mes 17 ans il me semble). Je n'ai jamais autant rêvé que devant Nausicäa, par exemple, à tel point que je suis toujours désaxé comme si le réel me semblait bizarre et informe en sortant de ce film. Je ne me suis jamais autant extasié devant la beauté d'un Shinkai, la puissance d'un Akira, je n'ai jamais autant chialé que devant un Hosoda, je n'ai jamais autant été prisonnier d'univers virtuels qu'en suivant les aventures de Spike, de Mugen, de Michiko, les délires bariolés et grossiers de Panty et Stocking, les fusillades de Revy ... je pourrai enchaîner comme ça sur dix paragraphes ...


Tout cette déclaration d'amour au cinéma d'animation explique, ce me semble, ce huit à Hana & Alice mènent l'enquête. Enfin, commence à expliquer ma générosité affichée avec les films d'animation nippons. Je suis un client absolu de ces univers et partant je suis prêt à me laisser prendre et embarquer par n'importe quel style de dessin, et à fortiori quand celui-ci semble imperméable aux autres, bizarres, décalé. Ici Shunji Iwai - que je connaissais à titre personnel pour un Picnic bien noté chez mes éclaireurs et que j'ai une forte envie de voir mais dont je n'ai pas vu une seule production - utilise la technique de la rotoscopie ( filmer en prise de vue réel puis relever les contours des formes filmées ) qui apporte à la fois plus de réalisme dans les mouvements, une certaine fluidité, mais mêle surtout habilement réel et dessin, la frontière entre les deux n'ayant jamais été aussi poreuse. Certains environnements urbains peuvent passer pour des environnements en prise de vues réelles. C'est aussi pour son côté étrange que j'aime cette prise de risque. Lorsqu'on dit rotoscopie on pense inconsciemment au seigneur des anneaux de 1978 dont on à tous au moins vu des images à défaut d'avoir vu le film. Le côté kitsch nous revient en mémoire et pour peu on s'attendrait même au pire. On oublie peut-être que la rotoscopie peut être utilisée à bon escient comme dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ou dans Blanche Neige et les sept nains - pour parler de ceux que j'ai vu et qui me viennent à l'esprit, si vous voulez une liste plus exhaustive allez voir ici.


Ici cela contribue à créer un décalage entre les personnages (pourtant filmés selon la même technique puisque j'ai cru comprendre que c'était les actrices du premier film Hana & Alice qui reprennent leur rôle pour ce préquel) donnent l'impression, parfois, de déteindre par rapport à leurs environnement et qui semblent à certains endroits animés de manière curieuse, voir saccadée ou tout simplement raté parfois - mon amour pour l'animation ne me rend pas tout à fait aveugle.


Mais Hana & Alice mènent l'enquête c'est surtout une histoire simple et délicate qui, pour ceux que l'esthétique ne rebute pas, est une vrai petite perle de simplicité au rythme entraînant et qui parvient aisément à magnifier les petits riens de la vie, les chagrins d'amour, l'exclusion, l'amitié pour faire de ces quotidiens une histoire aussi drôle que touchante et passionnante.


Si Hana & Alice mènent l'enquête s'apparente au départ à une enquête mâtinée de fantastique comparée à juste titre par PFloyd dans sa critique à une histoire de Persona - je ne peux que reprendre la comparaison et vous enjoindre de lire sa critique qui est celle qui m'a donné envie de regarder le film - il évoluera bien vite dès la rencontre avec Hana (voisine d'Alice, recluse dans sa chambre) vers une touchante histoire d'amitié, aussi simple que drôle et touchante. Les jeux de lumières et les teintes entre bleuté et rouge chaleureux confère au film - abordé presque comme un film en prise de vues réelles par son réalisateur dont c'est (j'ai vérifié) le premier film d'animation - une atmosphère fantastique qui donne corps à l'imaginaire des étudiants et à leurs suppositions délirantes (la scène de l'exorcisme à mourir de rire, la disparition d'un élève qui se transforme automatiquement en meurtre mystérieux sur fond de trahison amoureuse et de références bibliques) pour finalement amener dans un monde presque réaliste un imaginaire dessiné du plus bel effet. À ce titre certains trouvent que le début est lent ou moins intéressant, ce n'est pas mon cas. Outre la caractérisation essentiel de notre héroïne, de sa mère et de ses camarades il offre d'excellents moments de rires et de sourires, de bravoure et de malice face aux persécutions et de manifestations paranormales amusantes.


Hana & Alice mènent l'enquête est un récit initiatique - comme beaucoup de films d'animation japonais - qui parle de l'adolescence et de cette période tortueuse dans laquelle se démène la jeunesse qui se sent devenir adulte, c'est un film qui vous colle une furieuse envie de rire et de rêver, qui captive dans ses moments de mélancolie sous une voiture en pleine nuit, qui touche dans ses errances accompagné d'un petit vieux pris au hasard en filature. C'est un voyage d'une heure et demi dans un quotidien magnifié ou le fantastique à encore son mot à dire dans le réel ... et c'est beau.

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le 3 janv. 2017

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Petitbarbu

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