L'être et le néant
Long très long. Lent très lent. Ce n'est pas que je n'aime pas la lenteur au cinéma, mais à ce point. Andrea Pallaoro a voulu montrer le quotidien vide, désolant d'une Hannah sidérée par...
le 25 févr. 2019
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Le projet du jeune réalisateur italien Andrea Pallaoro est ambitieux. Dans ce deuxième long-métrage, premier d’une trilogie qu’il souhaiterait consacrer à trois figures féminines, il entreprend de nous faire entrer dans la psyché d’une femme, Hannah, confrontée à la solitude et au rejet du monde, à l’occasion de l’incarcération et de la culpabilité, d’abord déniée, puis constatée, de son mari.
D’emblée conçu pour être porté par Charlotte Rampling, le personnage d’Hannah, qui surgit à l’écran dans un grand cri de douleur, incarne magnifiquement cette mystérieuse contagion de la honte, qui va se propager aux proches du coupable et les enduire de sa poix délétère. Peut-être plus encore que l’auteur du forfait lui-même...
En des teintes bleutées, brunâtres, éteintes, et comme poudrées de léthargie, le directeur de la photographie immerge les plans dans la lie de l’opprobre et de l’infamie. Le délitement de la vie d’Hannah prend corps sous nos yeux : ses allées et venues solitaires, la parole rare, la dépression du chien qui ne veut plus manger, les vaines tentatives de sa maîtresse pour le convaincre de s’alimenter... Ces scènes sont l’occasion du seul sourire qui ponctuera la vision du film ; on repense à « Max, mon amour » (1886), de Nagisa Ôshima, et à l’aisance qu’a toujours eue la grande Charlotte lorsqu’il s’est agi de tourner avec des animaux...
Autres belles scènes : celles qui se déroulent dans la grande maison aux lignes droites et aseptisées où Hannah, sorte de Lady Macbeth moderne, gagne son salaire de femme de ménage, en frottant et nettoyant avec acharnement. Un jeune enfant autiste, dodelinant constamment de la tête, sauf lorsque les câlins prodigués par Hannah l’apaisent, vient souligner un douloureux contraste avec le fils, maintenant adulte, du couple maudit, qui refuse à présent de voir sa mère ou même de la laisser approcher son petit-fils.
Le petit-fils... Il pourrait être impliqué dans la faute du grand-père, en position de victime... Grand-père, toujours superbe André Wilms, qui n’est pas nommé, d’aucune manière, ni nom ni prénom ; inégalable expression de l’innommable dans lequel il est tombé, et qui achève de rendre tangible la boue qui rejaillit sur son épouse.
Par tous ces aspects, « Hannah » pourrait être un très grand film. Pourquoi, alors, ces indices, à la fois donnés et repris, concernant la culpabilité du mari ? Le spectateur se perd un peu entre preuves (de quoi?), dénis (de quoi?)... Il est bien besoin des explications du réalisateur, par bonheur présent à la projection, pour comprendre que le chef d’inculpation serait le viol du petit-fils... Pourquoi, dans ce cas, faire déclarer au grand-père qu’il ne pardonnera jamais à son fils ce qu’il a fait, si ce n’est pour nous égarer totalement ? Si l’objet du délit devait demeurer incertain, pourquoi ne pas le passer plus franchement sous silence ? Le réalisateur aurait ainsi clairement signalé que ce n’était pas là l’enjeu du film, au lieu de lancer les spectateurs sur des pistes contradictoires qui, certes, provoquent des échanges au sortir de la projection mais laissent le public sur un sentiment de ratage partiel, occultant injustement tous les points sur lesquels le film s’est montré perspicace et audacieux.
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Créée
le 25 janv. 2018
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