Avec Hannibal, Ridley Scott n’offre malheureusement pas un film de sérial killer digne de ce nom mais arrive laborieusement à créer un simple petit polar mal fagoté, souvent boursouflé, jamais nerveux et qui à l’inverse du surcoté Le Silence des Agneaux, n’arrive pas à se sauver de ce naufrage apathique par la force de sa direction d’acteur, notamment à travers Anthony Hopkins. L’acteur, est enfermé dans son personnage, en roue en libre, dans cette ville florentine cheap et faussement baroque, pas aidé par un script paresseux, et se lance souvent dans des tirades artistiques pantouflardes, qui ont comme inconvénient de lisser toute la personnalité monstrueuse et psychopathe du meurtrier cannibale. Il est difficile de ne pas faire le lien avec son prédécesseur réalisé par Jonathan Demme. Dans ce dernier, Hopkins apparaissait peu mais transgressait le film de toute son aura. Avec Hannibal, c’est l’effet inverse. Tout le film est dédié à sa personne pas «si dangereuse que cela » et à son mode de vie raffiné, sans que l’on ressente sa présence mortifère. Après une mission complétement ratée, l’agent Clarice Starling est mise à contribution pour retrouver le fantomatique et introuvable Hannibal Lecter, psychopathe inscrit dans la liste des « dix hommes les plus dangereux du monde » mais qui se balade en Italie, tranquillement, comme si de rien n’était. Alors que le Silence des Agneaux instaurait une relation malsaine entre les deux personnes, le film de Ridley Scott est une sorte de jeu du chat et la souris platonique en version géographiquement géante, avec comme fil rouge, la vengeance espérée d’un riche milliardaire défigurée à vie par Hannibal. Le rôle joué par un méconnaissable Gary Oldman, sous cette couche de maquillage impressionnante d’horreur due aux lacérations qu’il s’est lui-même infligées sous les ordres de Hannibal, est l’un des seuls points positifs du film, apportant un minimum d’âpreté à un film manquant clairement de singularité. Comprenant que son œuvre ne diffuse aucune ambiance électrisante malgré une réalisation notable offrant quelques moments de classe poétique et romantique, Ridley Scott s’insère dans une direction que n’avait pas voulu prendre Demme, celle du gore. Mais encore une fois, le réalisateur se trompe sur toute la ligne en étant assez timide, avec un aspect sanglant qui n’a pas l’effet escompté, faisant parfois à son insu, plus rire qu’autre chose notamment durant cette séquence de scalp grand-guignolesque ou lorsqu’on se croirait dans une mauvaise série Z avec cette brochette de gros cochons tueurs et mangeurs d’hommes. Ces décalages gore grassouillets peu convaincants dénotent avec la volonté de Scott de mettre en place un thriller soigné et presque glamour comme en dispose ce climax final avec le décolleté plongeur d’une Julianne Moore qui malgré cela, s’en sort avec les honneurs. Jamais tranchant, Ridley Scott pond avec Hannibal, une sorte de version avariée et cannibale de la Belle et la Bête.
Velvetman
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le 2 avr. 2014

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