« Et l’enfer c’est toujours : je voudrais qu’elle m’aime », Guillaume Apollinaire.
HANNYA est le nouveau court-métrage d’Eva Muñoz, 2 ans après MUÑECAS. Jeune réalisatrice dont la filmographie ne va qu’en s’étoffant, Eva Muñoz nous emmène avec HANNYA dans une relecture personnelle et contemporaine d’une légende ancienne japonaise « Hannya ou la vengeance du Démon ». Cette dernière raconte l’histoire d’une femme qui, folle de tristesse car blessée par un homme, se laissera peu à peu ronger par la colère et la jalousie au point de se transformer en démon, âme impétueuse et solitaire cherchant inlassablement vengeance auprès des hommes.
A contrario de la légende nippone, nous suivons ici l’histoire d’Ana, jeune femme espagnole invitée par son copain, Mathieu, à rencontrer pour la première fois ses amis. Cercle fermé, oppressant et asphyxiant, formant à la fois un huis-clos spatial par la colocation unissant quatre des amis et amical par cette dite amitié.
Cette rencontre aura lieu dans l’excès : musique, alcool, amis, lumière et chaleur. Au sein de ce cercle fermé (avec lequel les autres invités à la fête ne semblent pas interagir), solidaire mais aussi fragile, les tempéraments et personnalités se croisent, se cognent et s’enlacent. La solidité du groupe se verra chamboulée par l’arrivée impromptue de Marie, quatrième colocataire revenant du Japon, première amie(mour) de Mathieu. Dès son arrivée le frêle équilibre du groupe se verra impacté.
Amitiés retrouvées, amour enfoui, désir inattendu, ouragan de sentiments internes où peu à peu chacun des membres de ce trio malheureux (Ana, Mathieu et Marie) se perdra, au rythme toujours plus effréné de la musique, de l’alcool et de la drogue. Drogue qui nous offrira par ailleurs la séquence la plus hallucinée du court-métrage mêlant cauchemar, mysticisme et épouvante.
Le film évoluant au rythme des sensations et sentiments d’Ana, la colorimétrie s’en verra la première messagère. Les couleurs bleutées illustrant la pâleur, la froideur ou encore la peur tandis que le rouge s’immisçant peu à peu laissera place au désir et à la violence.
Ces sentiments, doutes et peurs personnelles enfouies au plus profond de nous-mêmes peuvent faire ressortir le meilleur (et le pire) d’entre nous. Penser aimer plus que notre partenaire ne nous aime, être spectateur impuissant des limites d’un amour, de la naissance d’un autre, ces doutes assailliront ces personnages aux liens si fragiles jusqu’à un final en apothéose.
Et c’est à cet instant que les mots de Guillaume Apollinaire prennent tout leur sens.