Happy End
6.6
Happy End

Film de Jung Ji-Woo (1999)

C'est dans un fait divers que le réalisateur trouve l'intrigue rabâchée jusqu'à plus soif du trio infernal : la femme, l'amant et le mari cocu. La crise asiatique de 1997 jette au chômage un employé sur trois du secteur bancaire sud-coréen. Min-Ki en fait partie et devient homme au foyer. Sa femme Bo-Ra dirige une école où l'on apprend l'anglais. Le mari fait les courses, s'occupe du ménage, des repas et surtout de leur bébé. Il fréquente aussi les parcs et une librairie où il aime lire des romans d'amour.

Bo-Ra renoue avec Il-Beom, un ancien amour d'université, avec qui elle s'épanouit sexuellement. Après quelques mois d'extase physique et de jalousie, elle songe à rompre mais la passion est la plus forte. Elle multiplie les rendez-vous, devient imprudente... Pour le cinéaste, l'adultère semble être une spécialité française ! Ils font l'amour dans une literie signée "Marie-Claire, Paris", où la jouissance de Bo-Ra est évoquée par un envol de flamands roses. De plus les amants se retrouvent au café "La vie en rose", où une affiche française porte le titre "Entre ciel et terre"... Le rose couleur érotique ?

Plusieurs thèmes s'entrecroisent, enrichissent le drame familial. L'émancipation professionnelle de jeunes Coréennes, qui souffrent du chômage de leur mari, est une situation nouvelle. Comme dérivatif à leurs difficultés conjugales, certaines femmes prennent un amant. Mais après quelques mois de passion, Bo-Ra est confrontée à des choix pénibles. Doit-elle rompre avec son amant ? Se tuer avec lui ? Comment échapper au cercle vicieux, retrouver un semblant de sérénité ?

Le mari fuit la triste réalité (chômage, couple en crise) en se gavant de romans et de séries à l'eau de rose. Traditionnellement, ce sont plutôt les femmes qui s'identifient aux histoires romantiques. Ce bovarysme masculin inverse les codes habituels et note une féminisation du rôle d'hommes privés d'emploi par la crise économique. Papa poule, Min-Ki adore sa fille qu'il materne jalousement. Personne, y compris son épouse, ne l'appelle par son prénom. Son usage est réservé aux travailleurs actifs, tels Bo-Ran et Il-Beom. Ainsi le non-usage du prénom entérine l'existence sociale fantomatique des chômeurs. Ni les corvées domestiques, ni les soins données à son bébé ne comptent dans une société froidement efficace et productiviste.

Le film bascule quand le mari découvre l'adultère. Et son monde s'écroule quand l'infidèle se montre une mauvaise mère. Comment va-t-il réagir ?

Un drame de la solitude et de la non communication gangrène l'atmosphère. Min-Ki se replie sur lui-même, devient dépressif, ne parle plus ni à son épouse, ni à une voisine volubile qu'il a connu jadis. Bo-Ra est de plus en plus mal à l'aise avec lui, ne cherche pas à l'aider, se réfugie dans les banalités du quotidien, ce qui n'arrange rien. Même après le sexe avec son amant, elle n'a pas grand chose à lui dire... Fumer dispense alors de parler à l'autre.

Pour le rejoindre, elle déambule dans des galeries semblables à des couloirs d'hôpitaux ou de prisons. Une double vie peut rendre schizophrène. Cet urbanisme clinique et déshumanisé enferme les personnages dans un dédale psychologique oppressant, où l'individu souffre de n'être qu'un numéro anonyme...

lionelbonhouvrier
7

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le 13 juin 2022

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