.intelligent et jubilatoire Concept
[Série “Dans le top 10 de mes éclaireurs » : -IgoR-]
Les premiers cinéastes l’ont très vite compris : le film, c’est la maîtrise du temps. Après l’instantané photographique, la dynamique permet les explorations les plus folles et novatrices. L’idée de monter un film à l’envers n’est donc en 1967 pas foncièrement originale, et c’est probablement la raison pour laquelle ce film emprunte tant à l’esthétique du muet originel ; catalogue savamment mené des diverses situations rendues insolites par le retour en arrière, le film remonte les courses de chevaux, les repas, les plongeons, un strip-tease ou la très belle mise à sac de la chambre à coucher de Madame.
Le défi est donc ailleurs : tout d’abord, dans celui de l'enchaînement des scènes qui permettent de les suivre sans s’y perdre, la précision allant jusqu’aux répliques dont l’ordre inversé occasionne une écoute particulièrement troublante. Ce découpage devient le récit même, puisque le film s’ouvre sur la décapitation du protagoniste, boucher condamné pour avoir découpé sa femme infidèle que nous verrons donc progressivement se réassembler dans la séquence suivante.
Mais le récit va plus loin, et c’est là que se situe sa véritable saveur. Aux images inversée se superpose une voix off, celle du personnage principal, qui va donner un nouveau sens au récit, le considérant comme logique. Ainsi, sa mort est sa naissance, et tous les événements qui vont de Z à A à l’image seront considérés par lui comme allant de A à Z. Cette double dynamique est maîtrisée à la perfection.
[Spoilers]
Ainsi, l’amant jeté par la fenêtre dans le récit initial rentre par les airs dans sa version. L’écriture ciselée du récit permet les trouvailles les plus habiles : il pourra se séparer à nouveau de sa femme et de son amant, puisque les ayant sauvés de la noyade et du feu, la nouvelle lecture transformera ces rencontres héroïques en crimes prémédités.
Poétique, fantasque, inventif, une petite perle cérébrale et rafraîchissante.