On le sait tous, Netflix n’est pas du genre à balancer du fric par les fenêtres, tant s’en faut. En privilégiant la qualité plutôt que la quantité, il était logique de se tourner vers un homme qui enchaine les succès comme des perles et dont l’avènement sur la scène comique française sonne un nouvel âge d’or digne des plus grandes heures de Charlie Chaplin ou de Jerry Lewis ; mais aussi vers une femme, dont le talent sous-coté reflète la modestie, dotée d’un esprit d’une finesse et d’une espièglerie surpassant de loin ces pionnières que sont Audrey Hepburn ou Ingrid Bergman ; j’ai nommé le duo Adams-Lellouche.
Le résultat, une comédie romantique dont Woody Allen aurait rêvé imaginer la trame. L’histoire peut se résumer par la rencontre fortuite de deux âmes en peine, l’une impulsive mais écorchée vive, l’autre guillerette mais pusillanime, bloquées par la force des choses dans un ascenseur. Vous l’aurez constaté, on est loin des topiques habituels de ce genre cinématographique trop souvent cadenassé par les poncifs. Là où le film détonne encore davantage dans ce paysage monotone, c’est que les protagonistes vont développer des liens qui se révèleront plus que platoniques… Qui aurait pu croire qu’une romance naissante entre deux êtres que tout sépare à première vue était de l’ordre du possible dans une comédie romantique ?
Au-delà de ce scénario impeccable et implacable, force est de constater que le réalisateur a su capturer l’air du temps et faire de son film un vecteur de messages positifs et progressistes. Par exemple, on voit de manière rigoureuse la raison qui justifie le comportement de Camille Lellouche, cadre d’entreprise à la fois homophobe, grossophobe, raciste et qui abuse de son pouvoir pour obtenir de ses subalternes des faveurs sexuelles. Ce comportement s’explique en réalité par deux déceptions amoureuses. De la sorte, on montre que légitimer ces agissements n’est absolument pas problématique et cela pousse véritablement le sentiment d’empathie à son égard au summum. D’ailleurs, que celui qui n’a jamais tabassé un gosse handicapé homosexuel de confession musulmane, par frustration de s’être pris un râteau par Jessica ou Matthis quand il ou elle avait 8 ans, me jette la première pierre.
Un autre aspect novateur du film tient en ses 60 minutes bien tassées. « Happy Nous Year » signe là une petite révolution à marquer d’une pierre blanche. Par-là, le sempiternel format filmique de l’heure et demie est brisé, de sorte que de nouvelles productions pourront s’inscrire dans le sillon laissé durablement par cette référence. Et ceux qui prétendront que le film ne s’étend pas au-delà d’heure parce que l’équipe scénaristique était en manque d’idées ; ou parce qu’Adams et Lellouche étaient bien plus concernés par le cachet qu’ils allaient recevoir ; ou bien parce que nos deux larrons savent pertinemment qu’ils n’ont pas besoin de rendre un projet qualitatif pour contenter leurs fans très peu exigeants ; ou bien encore toutes ces idées cumulées ; se fourvoient lourdement. Il s’agit en réalité d’un procédé très ingénieux visant à ce que l’enchainement continuel des vannes plus poilantes les unes que les autres ne s’essouffle pas. Et n’ayez guère d’inquiétude si vous pensez que ce film va vous laisser sur votre faim parce qu’il est trop court, il va vous donner l’impression de durer une é-ter-ni-té, pour le plus grand plaisir des petits, mais surtout des grands, HAHAHAHAHAHHAHAHAHAHAH (excusez-moi, ce film a suscité en moi une telle hilarité que je m’en retrouve à faire des blagues du niveau de ces deux monstres comiques).
L’humour, parlons-en ! Les ressorts comiques sont nombreux et pas du tout éculés. Mon seul reproche est que les vannes étaient parfois tellement sophistiquées que je n’arrivais pas toujours à en saisir toutes les subtilités. Je repense compulsivement à cette scène d’anthologie où l’on voit Kev Adams jouer du ukulélé dans une scène d’une sensibilité touchante, avec Camille Lelouche dont la douce voix … Nan, je sais pas tenir le sarcasme plus longtemps, allez juste voir cette scène pour constater la nullité comique de Lellouche, même Adams est choqué.
Vous l’aurez compris, l’ascenseur pour le spectateur est avant tout émotionnel. On assiste en fait, ébahis, à un récit simple mais complexe, désopilant mais poignant, minimaliste mais grandiloquent. Oxymorique en somme, à l’image de nos deux acteurs, symboles d’une certaine forme de réussite de la scène comique française mais pas foutus d’écrire une seule vanne potable.