Deux jeunes filles décident de faire royalement les 400 coups. Leffe ne parvient plus à retenir ses pulsions exhibitionnistes et force presque un ami traumatisé à lui pratiquer une fellation. Le chauffeur d’un bus décide de ne pas reprendre la route tant que la personne qui a cassé le rideau des toilettes n’est pas passée aux aveux. Une institutrice dénonce le comportement brutal d’un collègue au risque d’être mise de côté. Toutes ces petites fables très différentes ne doivent pourtant pas être comprises comme des "leçons de morale". Elles découlent de l’impulsion initiale provoquée par une bombe invisible qui a explosé hors champ et libéré un souffle involontaire sur le monde. Ce sont là les premiers effets d’une radiation globale qui délivre les êtres humains. Ils ne font pas de bonnes ou de mauvaises choses. Ils suivent seulement la vague involontaire sur laquelle ils se mettent à surfer et qui les libère complètement, malgré eux, de ce qui les retenait jusqu’alors. Ce postulat fantastique, qui n’est jamais suggéré dans le film, donne surtout une image différente des intentions qu’on aurait pu prêter avec paresse à Ruben Östlund. Loin d’être misanthrope, ses films porteraient une croyance dans l’évolution possible de l’être humain vers d’autres manières d’être, d’autres mondes possibles. Après la vision d’Involuntary : Happy Sweden, cette impression est d’ailleurs dominante. Il y aurait donc chez lui avant tout une forme d’humanisme mêlée à une singulière croyance vitaliste.


On retrouve aussi l’idée d’involontaire chez Michael Bay sous une autre forme. Armageddon raconte l’histoire d’une bande d’involontaires envoyée au casse-pipe pour sauver le monde. C’est bien malgré eux que ces foreurs casse-cou acceptent de sauver l’humanité. Ce postulat peu crédible traduit néanmoins la croyance de Bay dans le dynamitage du blockbuster par des éléments a priori hétérogènes aux codes du genre. Il est en effet difficile de concevoir plus fantasques anti-héros et de laisser la mainmise à une sorte de laxisme général qui traduit bien quelque chose de ce que nous évoquions plus haut. No Pain No Gain, sorti en 2013, reprend aussi ce principe, où trois amis un peu écervelés se laissent emporter malgré eux par une vague involontaire. Ce principe, à l’œuvre à la fois chez Östlund et Bay, traduit ainsi une croyance dans des forces invisibles pouvant changer les conditions de l’être humain. Bien évidemment, chez Bay, cela se termine dans l’héroïsme patriotique et la comédie noire cynique, mais gageons du moins qu’un attrait pour l’involontaire traverse sa filmographie. Comprendre cette idée demeure difficile, car il n’existe pas d’équivalent dans la langue française. Nous pensons qu’elle rejoint une forme de métaphysique vitaliste traduisant une croyance possible dans l’évolution de l’être humain. Elle porte en elle un souffle de vie qui peut faire imploser ce que la critique appelle le "formalisme du cinéma d’auteur de festival" et la "vacuité des blockbusters les plus bourrins". C’est une discrète histoire d’Armageddon à tous les étages, une première destruction dégageant des ondes involontaires libérant elles-mêmes des forces nouvelles.


Retrouvez l'article intégral et illustré, « Involuntary : Happy Sweden, L'Armageddon de Ruben Östlund », en libre accès, sur Le Rayon Vert – Revue de Cinéma en ligne.

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le 4 août 2017

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