Voilées, emmitouflées dans d’ingrats vêtements d’hiver et couvrant elles-mêmes le bruit de la rue de leurs piaillements d’adolescentes, c’est ainsi qu’apparaissent à l’écran les deux sœurs d’Haramiste (2014), moyen-métrage qui signe le retour d’Antoine Desrosières au grand écran. Rim (Inas Chanti), la grande sœur, est en train de sermonner sa cadette Yasmina (Souad Arsane), sur le point d’aborder un garçon qui lui a tapé dans l’œil. Le naturalisme grisâtre du « film français de banlieue » se trouve d’emblée ébranlé par la nymphomanie purement logorrhéique des jeunes filles (il est question, entre autres, de préservatifs et de godemichés vibromasseurs), qui semble ouvrir une piste sadienne : Rim et Yasmina, en lieu et place de Juliette et Justine, sont en effet déjà au cœur d’une fiction badine de la sexualité et de la perversion, qui ne passe que par le langage. La mise en scène de Desrosières épouse complètement l’attitude des personnages, l’image étant considérée comme un matériau meuble, un support malléable sur lequel on pourrait consigner pensées et bons mots. Ainsi, au milieu de la conversation animée entre Rim et Yasmina, cette dernière expose à son interlocutrice sa stratégie de séduction, on ne peut plus simple : il s’agit de faire languir la proie jusqu’au moment où elle n’aura plus d’autre alternative que de trahir ses sentiments, ici sous la forme d’un texto laconique (« Bonne nuit <3 »).
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