Pas qu'un simple film avec Ashley en petite culotte ...

Alors oui d’ordre habituel je prends un malin plaisir à me lancer dans des visionnages nocturnes périlleux pour des navets tout annoncé que balance le net, histoire de m'amuser à les détruire, et ce DTV sur le papier ne paie franchement pas de mine, avec uniquement comme argument de vente le joli minois de Ashley Benson, il ne m’en fallait pas plus pour tenter le coup, vous commencez à me connaitre …


Dès le début je me suis tapé un facepalm en voyant une nouvelle fois cette réutilisation du found footage (sans rire je ne savais pas, j'ai zappé le trailer), on en revient encore et toujours à ce genre casse-gueule au possible, le procédé est tellement en bout de course que ça peut fatiguer très vite, surtout si on a l’habitude d’en bouffer, tout semblait indiqué pour un bombardement de clichés, une affaire inexorablement douloureuse. Et pourtant …
Le film démarre dans l’appartement de Emma, une jeune étudiante ayant fraichement emménagée à New York pour ses études, nous allons suivre ses faits et gestes via trois axes de caméra, son smartphone, son PC portable et sa Kinect, le principe est l’immersion à la première personne dans un rôle où le spectateur serait lui même une sorte d’espion. De prime abord ce n’est pas si évident mais diverses interactions vont se dérouler sous nos yeux comme des zooms et des switch entre les périphériques, c’est une prise de contrôle de l’intimité, et là c’est intéressant car cela va poser un véritable point de vue sur la prédominance des nouvelles technologies et ses possibles répercutions IRL pour s’en servir comme outil de cinéma.


Tout d’abord ce qui est primordial dans le found footage c’est de ne pas outrepasser ses règles pour éviter de partir en roue libre, c’est tellement commun de se planter pour ce genre de film que ça m’a un peu gâché mon expérience car je restais à l’affût de la gaffe, et force est d'avouer qu’au bout d’une bonne demi heure j’ai fini par être mis en confiance pour oublier le flicage, je me suis pris spontanément au jeu. Une des raisons est que des plans savent être anodins et parfois rallongés, évidemment c’est à double tranchant, certain pourront y voir un manque d’intérêt virant à l’ennui mais personnellement je trouve ça courageux de ne pas contenter son public avec des instants bien découpés et propres, même si certains cadres semblent un poil étudiés, mais il y a des tentatives (comme lorsque son portable est dans son sac et qu’il y a un écran noir de plusieurs secondes) l’utilité de l’outil parait instinctif. Et puis le fait de choisir une très belle nana (et pas mauvaise actrice) comme Ashley Benson fait qu’on ne rechigne pas à scruter toutes ses actions à l’écran, c’est dans la logique du voyeurisme que veut démontrer le réalisateur, se servir de notre propre perversité pour provoquer une immersion et nous accrocher dans les filets de son scénario.


Emma de son côté rencontre des gens dont un inconnu qui va devenir son petit ami, à côté de ça elle reste en mauvais terme avec son ex-boyfriend, puis un harcèlement informatique commence, nous restons témoins d’une zone de confort qui se fragilise petit à petit par une menace que nous avions déjà implicitement perçue, puis vient à se poser cette question universelle affiliée au thriller : qui est derrière tout ça ? Difficile de flairer des pistes, rien n’est véritablement évident, de plus le film va instaurer des personnages de passage en guise de petits bips d’alerte pour brouiller les traces (comme celui de Karl Glusman dans la boite de nuit), et lorsque le danger traverse l’écran pour se matérialiser sous forme d’ombre au fond du couloir dans son sommeil le degré de terreur s’élève d’un cran et le ton devient pas mal flippant. Après ce qui reste dommage c’est que le film ne peut s’empêcher d’ajouter un artifice sonore, sorte de bruit sourd, pour appuyer sa tension et son ambiance, en soit ça fonctionne mais le parti pris du found footage s’en retrouve quelque peu erroné, le spectateur averti ne s’y trompera pas, frustrant car jusqu’ici tout semblait quasi parfait.


Ashley Benson s’en sort remarquablement bien pour ce qui est de faire évoluer l’état de son personnage, même si ça manque sans doute d’une meilleure écriture dans la dernière partie pour accentuer l’effet de panique, la fin est réussie comme ultime pied de nez mais je dirais que le scénario loupe un point d’ancrage (d’environ 10-15 min) pour provoquer une quasi frénésie qui nous ferait perdre la tête avec elle, ce qui fait que le dénouement semble arriver un peu vite, trop vite. Il aurait je pense été préférable de mieux gérer la présence dans l’appartement, où même des événements qui la précède, on est un poil cueilli à froid, regrettable que ce genre de petits défauts de rythme et de script viennent parasiter le bon sens de cette histoire, mais j’avoue que ça reste relativement difficile pour un metteur en scène novice de proposer quelque chose d’authentique de bout en bout (enfin on reste loin de l'écroulement scénaristique d'un Open Windows). Mais en tout cas le rapport à l’image et à la violation d’intimité est intéressant car il réussit à nous sensibiliser en tant que spectateur-témoin (et complice ?) d’une certaine paranoïa face aux réseaux de surveillance, le film ne s’y trompe pas en balançant une mosaïque de captures live en guise de générique de fin, sommes-nous épié nous aussi en ce moment même ? C’est terrifiant.


Ratter reste un found footage réussit dans le sens où il tente (enfin !) quelque chose avec un point de vue défini pour se servir d'un mécanisme culturel comme instrument observateur et introspectif, il y a clairement de l’idée et on ne pourra pas enlever ça au réalisateur malgré ses quelques maladresses, l’expérience mérite d’être tentée, évidemment (voire même impérativement) seul(e) devant son écran et dans le noir total pour une immersion optimale, au risque de passer complétement à côté.

Créée

le 23 févr. 2016

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JimBo Lebowski

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