Mante religieuse au bureau

Au sein d’une entreprise en pleine essor et à l’aube de la concrétisation d’un projet important, une affaire de harcèlement vient mettre à mal les bénéfices à venir de la compagnie. Tom Sanders va devoir prouver la culpabilité de sa supérieure Meredith Johnson dans une société où l’on peine encore à croire que l’homme puisse être lui aussi victime de harcèlement.

#HeToo

Dans une entreprise qui révolutionne la technologie et l’informatique, les affaires sont fructueuses au point qu’un grand projet va bientôt se concrétiser et apporter des bénéfices conséquents. C’est notamment le cas de ce défi des constructeurs de l’époque pour donner à ces portables énormes une taille réduite, l’objectif étant d’au moins tenir dans la poche et de diminuer le poids. En tant que leader dans le secteur de la fabrication, Tom Sanders sent venir la promotion longuement attendue et méritée au point de se rendre avec enthousiasme à son travail. Il faut dire que son entreprise lui doit la mise au point d’un logiciel de réalité virtuelle sur CD-ROM d'une sophistication sans précédent. A son arrivée, l’espérance cède rapidement à la déception. Le patron de l’entreprise accorde la promotion et un poste gratifiant à une jolie plante sensuelle et accessoirement ancienne conquête : Meredith Johnson. La descente aux enfers se poursuit un soir où sa nouvelle patronne lui réclame une faveur sexuelle et où celui-ci refuse en bon père de famille. S’en suit un processus de chantage dont l’arme principale pour ruiner la vie d’un homme n’est autre que l’accusation de harcèlement sexuel.

Le présent métrage se déroule dans les années 90, il s’agit précisément de la période où le harcèlement sexuel fut validé comme étant un délit aux États-Unis et en Europe. Cette décision tardive, mais légitime, a bouleversé les entreprises au point d’engager un remaniement total de celles-ci. A notre époque, le sujet du harcèlement et tous les autres thèmes qu’il remorque avec lui sont une nouvelle fois au centre des attentions. C’est le cas de la naissance du mouvement #MeToo. Phénomène social encourageant la prise de parole des femmes afin de s’exprimer, de dénoncer, et peut-être même d’obtenir justice. Cependant, cette révolte semble éclipser les mêmes problèmes perpétrés dans l’autre sens. Sujet sensible, encore tabou aujourd’hui, le harcèlement des hommes envers les femmes est vaillamment combattu alors que celui des femmes envers les hommes semble encore moqué, quand il n’est pas délibérément considéré comme inexistant.

Relation mortifère

Harcèlement entreprend donc le projet de mettre en scène une situation comme celle-ci où les rôles sont inversés. Meredith Johnson agit en mante religieuse, froide et calculatrice, n’hésitant jamais à se servir de tous ses atouts pour susciter l’émotion auprès du faux calvaire qu’elle construit autour d’elle et sème dans tous les esprits. Par ailleurs, la scène torride du film paraît être une juste comparaison avec la méthode d’accouplement de la mante religieuse, dévorant le mâle après les ébats jusqu’à ce qu’il n’en reste rien. Tom Sanders n’est quant à lui fautif que d’être si naïvement tombé dans les griffes de cette prédatrice attrayante, la faute à son addiction sexuelle avouée franchement. L’avantage est celui de présenter à quel point une fausse accusation peut aisément faire basculer la vie d’une personne suspectée injustement. Ainsi, Harcèlement traite la manière dont la vie professionnelle et la vie privée de l’accusé sont malmenées, ainsi que la lutte féroce pour prouver la réalité des faits. Tom Sanders est constamment bloqué dans les justifications, auprès de ses collègues mais aussi auprès de sa femme et de ses enfants. Une scène à l’image du film est ce moment où il tente en vain d’affirmer sa position de victime dans l’affaire de harcèlement avec un collègue. Ce dernier refusant d’y croire, lui affirme qu’un homme harcelé n’est pas une situation qui existe.

Pour mettre en scène ce conflit, le réalisateur Barry Levinson a choisi Demi Moore et Michael Douglas. Michael Douglas se cantonne simplement à son rôle propre aux thrillers érotiques des années 90 dont il figure souvent en tant que personnage principal. Sans surprise, Demi Moore use de son charme et régale de sa plastique, mais propose également une prestation pleine de malices quand on prend la peine de lever nos yeux afin de sonder son regard déterminé un brin terrifiant.

Magouilles professionnelles

Malgré un contexte posé avec minutie et un sujet intéressant, Harcèlement n’est qu’un pavé que l’on jette dans la marre en oubliant de développer véritablement son sujet. Le scénario devient rapidement convenu en s’éparpillant ailleurs, en délaissant son thème, et en se réfugiant dans le traitement des divers complots internes au sein d’une entreprise compétitive.

En ne prenant pas la peine de confronter son sujet, pourtant explicite avec son titre, on assiste à une toute autre ambiance centrée sur les vastes machinations d’une entreprise par pur intérêt compétitif. C’est notamment le cas du patron au cœur de pierre qui ne pense qu’à l’aspect commercial, à l’aspect financier, et à l’image de son entreprise sans jamais prendre en compte le facteur humain. On s’enlise alors davantage dans un conflit de pouvoir, et le moins que l’on puisse dire c’est que tous les éléments y passent au point de dépeindre une vision pessimiste de la vie professionnelle. Citons les arrangements à l’amiable truqués, les complots entre collègues, les compétitivités constantes, le mensonge comme principal langage, les sacrifices pour pérenniser l’activité de l’entreprise rarement reconnus et récompensés. En somme, la deuxième partie s’apparente à une désarmante lâcheté. Alors que nous commencions avec une affaire de harcèlement inversé, l’ensemble mute en un jeu du chat et de la souris, préférant ensuite s’intéresser à un tout autre thème plus global.

Conclusion

Après Liaison Fatale et Basic Instinct, Michael Douglas conclut sa trilogie sexuelle avec Harcèlement. Son sujet-titre explicite nous embarque dans un conflit où cette fois-ci les rôles habituels du harcèlement sont inversés.

Le contexte a de quoi être intrigant, tandis que la première partie nous plonge brillamment dans ce sujet encore tabou aujourd’hui. Toutefois, la seconde partie se situe à l’opposé de la première. Il en émane la fâcheuse impression que le présent métrage a peur d’aller au bout du traitement de son sujet, au point de basculer vers un autre plus général concernant cette fois-ci les conflits divers au sein d’une entreprise. Un classique des années 90 qui se noie toutefois dans la masse des autres thrillers similaires.

Un homme harcelé par une femme ?
Ça n’existe pas ça.