Avant de se faire happer par la maudite industrie hollywoodienne, David Slade avait plus d’un tour dans son sac, comme en témoigne son tout premier long-métrage en tant que réalisateur, Hard Candy, thriller captivant qui tient une place de choix dans ma dvdthèque.
Hard Candy, c’est l’histoire d’un photographe qui séduit une jeune fille sur internet. Lui, c’est Jeff, et il pète la classe. Elle, c’est Hayley et elle est mineure. S’engage alors un jeu de séduction et de manipulation dont personne ne sortira indemne…
Originaire de Grande-Bretagne, Slade avait déjà fait ses armes dans le monde du vidéo-clip. C’est à lui que l’on doit notamment les clips de Muse sur leur période Origin of Symmetry (New Born, Bliss, Hyper Music et Feeling Good), Stereophonics ou encore System of a Down, et quelques années plus tard, un épisode de Breaking Bad. A Hollywood, personne ne voulait produire le scénario de Hard Candy. C’est au final Lions Gate Entertainment qui mise sur celui-ci et confie au Britannique la réalisation, et en raison du sujet polémique soulevé par le scénario, le budget est maintenu en dessous du million de dollars (soit 500 fois moins qu’Avatar, à bon entendeur…). Ainsi, la production s’est tenue à l’écart et à aucun moment n’a interféré lors du tournage.
Côté casting, on retrouve un Patrick Wilson passionnant et on découvre avec bonheur une jeune actrice très prometteuse. Si Juno a imposé Ellen Page sur la scène internationale, c’est véritablement Hard Candy, qui a su révéler, un an auparavant, la jeune comédienne. Le magazine Ciné Live ne s’y était d’ailleurs pas trompé : « Ni singe savant, ni Shirley Temple trashy, elle joue sa Gavroche pour décapiter les stéréotypes et distiller l’effroi. Le terme de ‘révélation’ est en deçà de la réalité ». Et pour cause, du haut de ses 17 ans travestis en 14, la Canadienne crève l’écran, dans un ballet de manipulation mentale très perturbant.
Cette relecture du conte du Petit Chaperon rouge est donc véritablement l’occasion pour David Slade de jouer cartes sur table. Il traite ici d’un sujet sensible, il y est question de viol et de pédophilie, pourtant, Slade s’affranchit de tout manichéisme et propose un film dense, où l’image prend pleinement sens. Ici, les émotions des personnages transitent à travers les couleurs. Du rouge écarlate, l’image bascule soudain vers un bleu glacial. Et c’est à un Français, Jean-Clément Soret, que l’on doit ce travail d’étalonnage sophistiqué. De même, la composition des plans a été très travaillée. Slade n’hésite pas à faire des gros plans sur ses comédiens, de manière à capter l’essence même de leurs émotions. Le cadrage, d’une précision chirurgicale, enserre les comédiens comme dans un étau, la caméra opère des travellings circulaires comme pour décrire l’arène dans laquelle la mise à mort se prépare. Des mouvements lents, infiniment mesurés, une caméra ambivalente, qui passe du simple statut d’observatrice à celui de bourreau implacable. A l’évidence, le metteur en scène maîtrise et s’approprie la grammaire cinématographique pour en révéler toute son ampleur et son essence même. D’un point de vue purement étymologique, la cinématographie se veut « l’écriture du mouvement ». Mais au-delà de cet aspect formel, impossible de ne pas voir dans la mise en scène un certain clin d’œil aux tragédies classiques : unité de lieu, de temps et d’action. Coincés dans le loft de Jeff, les deux protagonistes se débattent, et vont constamment inverser les rôles de la proie et du bourreau, semant le trouble chez le spectateur à chaque instant.
D’ailleurs, en parlant de trouble, j’allais oublier de préciser que David Slade, c’est le réalisateur de Twilight 3…
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