Cette surprise ! Si c'était une mauvaise émission télé (criez pas, c'est juste pour le plaisir du pléonasme), j'appellerai cet épisode de la carrière de Woody la parenthèse inattendue.
Depuis le début des années 90, les Allen s'enchainent en effet avec une régularité qui n'a d'égale que l'ennui poli qu'ils inspirent. Quand ce n'est pas de l'aversion.
Depuis une quinzaine d'année, l'ami Woody traine sa réputation comme un boulet, n'est plus que l'ombre de lui-même, et se balade de capitale européenne en capitale européenne pour financer des métrages qui mettent en scène -en général- les amours chiants de riches bourgeois désœuvrés, films qui, surtout, ne disent plus rien, ni sur lui ni sur nous.
Je comble ces derniers temps les manques parmi ce que le new-yorkais a tourné entre 95 et 2005 et que j'avais à l'époque copieusement zappé. Une forme de conscience professionnelle.
C'est donc marrant que ce film qui, comme tant d'autres, traite de la panne d'inspiration, soit celui qui soit à mes yeux comme celui d'un (court) retour en grâce.
Ça part dans toutes les directions à la manière d'un "magnifique" de De Broca (le créateur et ses créations), y a des fellations, des gros seins, de la drogue, des tromperies, des putes, des femmes nues, des gens attachés, on y évoque de la sodomie dans les prisons, les trios avec handicapés, les partouses, la reconnaissance des aveugles à qui vous faites l'amour, on croise le diable et visite l'enfer, le tout avec une tripotée d'acteurs (Maguire, Demi Moore, Giamatti, Jennifer Garner, Sirico (des Soprano), Robin Williams flou…) plus agréables à voir jouer les uns que les autres.
Comme à la bonne époque, les dialogues fusent, et je ne résiste pas au plaisir de vous en citer quelques-uns.
- La science, hein ?
- oui ! Entre l'air conditionné et le pape, je choisis l'air conditionné !
- tu sais que l'univers est sur le point d'imploser ? T'as entendu parler des trous noirs ?
- (la prostituée, noire:) oui, je gagne ma vie avec.
- toute ta vie n'est que nihilisme et cynisme, sarcasme et orgasme !
- en France, je pourrais faire un slogan avec ce que tu viens de dire, et être élu !
Enfin, sachez que le niveau 6 de l'enfer est peuplé des clodos agressifs, des truands insensibles et des critiques littéraires.
Le 8 est réservé aux médias.
Alors comme c'est Allen et qu'on a tellement été habitué à l'excellence dans les années 70 et 80, on a tendance à faire la fine bouche (par contre, introduisez le même scénar dans un film français contemporain et toutes les critiques de l'ensemble de la presse hexagonale hurlent au génie pendant 5 ans).
En tout cas, une bien drôle et talentueuse façon de dire que quand ta vie est en vrac, l'écriture peut être la seule planche de salut.
C'est peut-être ça le problème de Woody depuis 15 ans: la vie va bien, il a trouvé son équilibre. Ça ronronne.
On souhaiterait qu'il aille mal plus souvent.