Voilà, Deconstructing Harry est le 20ème film que je vois de Woody Allen. Je les aime presque tous, j'en adore quelques uns, et celui-ci vient se placer parmi ses meilleurs. Presque tous ses films depuis Annie Hall ont le même sujet de fond : lui (en caricaturant un peu). Et avec le personnage d'Harry Block, je pense qu'il arrive à faire une de ses meilleures introspections. Ce qui me plaît à propos des films de Woody Allen c'est que bien que ce soit des films sur lui, ils parlent en fait de tout le monde ou presque, et parle à tout le monde ou presque. En tout cas, personnellement je suis très sensible à ses films.
Tout le film est un mélange entre scènes réelles et scènes imaginées, entre personnages réels et personnages inventés. Tout ceci se mêle à plusieurs niveaux, dans le film en lui même, mais aussi dans la conception du film, ce dernier étant largement autobiographique pour Woody Allen. C'est pour lui une introspection, dans laquelle il ne nous cache pas grand chose de ses névroses, de ses fantasmes et de ses états d'âme. Toutes les critiques qu'on peut faire à Woody Allen (enfin, à ses films plutôt, et à comment il fait ses films) y sont adressées. Il ne s'en défend pas vraiment, il les accepte au point de les formuler lui-même et de les prouver dans ce film. C'est un manipulateur, il est égocentrique, il se sert des autres à leurs dépends (pour écrire ses histoires, peu importe le mal que cela peut leur faire), il est malheureux et misérable. Tout ceci il le reconnaît (et s'en sert justement pour écrire cette histoire).
On voit clairement l'influence de Wild strawberies de Bergman, l'intrigue des deux films étant très similaires (sur la route, le personnage principal se remémore des moments de sa vie et arrive à faire son introspection). On sent aussi des influences de 8 1/2 de Fellini, avec un même artiste qui a du mal dans ses relations amoureuses présentes et pense à ses relations passées. Allen ajoute sa touche personnelle, ultra-reconnaissable, à ces idées de départ, et en sort un de ses films les plus personnels .
Déjà on peut parler de l'humour, très présent, aussi bien dans les dialogues que dans certaines scènes. Pour ce qui est des dialogues, il y a celui-là, un exemple parmi tant d'autres : Harry qui répond à un des personnages pendant un débat sur la religion et la science : "Entre l'air conditionné et le pape, je choisis l'air conditionné!". Pour ce qui est des scènes, une des meilleures est la séquence rêvée où Harry descend en enfer et au dernier niveau croise le mec qui a inventé l'aluminium servant à construire les maisons de banlieues américaines, ou encore le diable en personne qui a bossé dans un studio hollywoodien durant son temps sur Terre, mais qui a été dégoûté par les gens qui y travaillaient!
Au final, j'ai trouvé le film très touchant, très bien écrit et j'ai été particulièrement sensible à sa conclusion, dans laquelle Harry se réfugie dans le monde inventé de ses romans, parmi ses personnages fictifs. Il trouve dans l'art son refuge, n'étant lui-même pas vraiment apte à vivre la réalité.