[ CRITIQUE AVEC SPOILERS DU FILM ET DU LIVRE ]
Alors que l'univers créé par J.K. Rowling fascine toujours autant et demeure inscrit dans l'inconscient collectif , la pop - culture et l'histoire du cinéma , il est perturbant de voir à quel point ce sixième volet demeure toujours autant décrié. Enucléé par les fans pour ses libertés prises par rapport au livre , moqué pour son ambiance et certains personnages , il est l'objet d'un débat qui semble ne pas prendre en compte les qualités réelles et intrinsèques du film qui en font , si ce n'est le meilleur , au moins le plus intéressant et pertinent des films de la saga.
L'étau démoniaque de Voldemort se resserre sur l'univers des Moldus et le monde de la sorcellerie. Poudlard a cessé d'être un havre de paix, le danger rode au coeur du château... Mais Dumbledore est plus décidé que jamais à préparer Harry à son combat final, désormais imminent. Ensemble, le vieux maître et le jeune sorcier vont tenter de percer à jour les défenses de Voldemort.
J'ai aimé
- Une ambiance oscillant entre légèreté et tragédie crépusculaire
- Une autre facette de l'univers
- Un sentiment de réalisme et un univers bien plus exploité
- Un film choral qui magnifie ses personnages
- Les liens avec les précédents films qui préparent l'avenir
- Un blockbuster à part
- Un film qui se détache du livre tout en respectant son essence
- Savant mélange d'humour , d'action , de romance , de tragique et de mélancolie
- L'opus de la maturité
- Une bande originale superbe
- Les personnages de Rogue et Harry
- Alan Rickman , Tom Felton , Daniel Radcliffe et Jim Broadbent
J'ai moins aimé
- Le jeu limite de Rupert Grint
- Quelques passages du livre qui manquent
La noirceur de nos deux mondes
Cet opus , faisant suite à L'Ordre du Phénix , continue de marquer une rupture stylistique avec les quatre premiers films tout en apposant définitivement la patte de David Yates sur la saga et l'univers au sens large. Résolument sombre et réaliste , le film amène une échelle de réalité qui manquaient aux premiers films pour permettre d'immerger définitivement le spectateur dans cet univers. Comportant beaucoup moins de musique , il sait apposer une atmosphère et étirer ses scènes quand il le faut , jouant ainsi avec le champ et le hors - champ , et des plans plus longs qui réduisent les coupes. Les transitions sont particulièrement étudiées et permettent souvent de saisir certains évènements hors - champ ou d'avoir une vue d'ensemble des personnages pour le film sans le doute le plus choral de tous. Il amène ainsi cet univers dans une atmosphère proche du monde actuel et accentue la maturité que prennent les personnages et le scénario. Comme dans L'Ordre du Phénix , il joue avec les liens qui unissent le monde magique et moldu pour aller dans ce sens. Il impressionne d'autant plus dans son incroyable efficacité à changer de registre , passant de la comédie romantique au drame , puis au thriller pour faire une embardée remarquée dans l'horreur. Cependant , le film n'en oublie pas le spectaculaire et propose des scènes d'action certes très rares mais qui apportent au rythme et à l'évolution de l'ambiance du film. Les effets spéciaux restent toujours autant efficaces et l'épique sait montrer son nez , aidé par une bande - son magistrale de Nicholas Hooper qui jongle entre jazz , ambiance sinistre et grandes envolées lyriques et épiques. Les musiques sont les plus marquantes de la saga sans conteste et sont pour beaucoup dans la réussite du film.
La tour frappée du tonnerre
Néanmoins , ce qui a déchaîné les passions et joue contre le film , c'est ses libertés et changements par rapport au livre ainsi que son ton global. Il faut être passé à côté de tellement de choses pour enterrer bêtement ce sixième volet. Toute l'intention de David Yates et ses choix d'adaptation résident dans la retranscription de l'atmosphère de l'univers et son impact sur les personnages ainsi que le côté irréversible des actions de certains personnages. Commencer le film par l'attentat à Londres ( à peine évoquée dans le livre ) et rajouter l'attaque du Terrier permet d'illustrer le danger permanent que courent les personnages en dehors de Poudlard et la fin d'une époque que représente le film. Le film saisit d'ailleurs parfaitement l'imagerie réaliste de ces scènes qui renvoient d'ailleurs aux attentas qui se succèdent depuis plusieurs années. Le fait de rajouter cette scène où toute l'école lève sa baguette et illumine le ciel pour effacer la marque de terreur des Mangemorts a un effet cathartique qui renvoie encore une fois à des évènements bien réels. Plus que la dimension politique , le film saisit ainsi l'essence même du livre : les moments de vie des personnages principaux. Ces moments sont cruciaux car en plus de rattraper certaines errances scénaristiques des précédents films , ils illustrent ce que vont défendre si ardemment les personnages dans les deux derniers films et ce qui est menacé par l'époque actuelle , en l'occurence l'espoir , la liberté et l'avenir. Il est d'ailleurs assez hypocrite de reprocher au film de s'attarder sur les personnages et leurs relations sentimentales au détriment de l'intrigue tant le livre prenait un parti - pris assez similaire , qui détonait déjà avec les autres livres. Le film prend néanmoins le parti - pris radical de supprimer quasiment tous les passages en lien avec le passé de Voldemort , simplifiant en plus grandement l'intrigue des Horcruxes. Un parti - pris au final réussi et pertinent car la grande faiblesse du livre était de trop développer , trop expliquer le personnage de Tom Jedusor le dénaturant peu à peu et démystifiant cette figure si menaçante. Le film ne se perd pas dans des justifications douteuses sur le pourquoi de son comportement et de ses origines pour en faire une figure malsaine et profondément mauvaise. Le personnage garde ainsi toute une part de mystère n'entachant pas le poids de son écrasante présence sur l'univers du film malgré le fait qu'il ne soit pas présent. Il condense l'origine des Horcruxes tout en conservant la puissance évocatrice de ce concept et de l'imposante difficulté de la tâche qui incombe aux héros. Cependant , rajouter le passage de la visite de Jedusor à Poudlard une fois adulte aurait pu préciser un peu plus le scénario et gagner en subtilité
( notamment quand il est suggéré que Tom Jedusor ait lancé une malédiction sur le poste de professeur de défense contre les forces du mal )
Vient le point du Prince de Sang - Mêlé. Point déjà discutable pour le livre , celui de son utilité et de la pertinence du titre. Même si le film réduit pas mal l'intrigue concernant le Prince de Sang - Mêlé , il convient toutefois de constater qu'elle en reprend l'essentiel à savoir la relation trouble qu'entretient Harry avec le livre et ce qu'il lui pousse à faire
( l'identité du Prince modifiant complètement notre vision de la relation compliquée entre Rogue et Harry )
Le livre faisait déjà de cette intrigue une succession de sous - entendus et de métaphores qui ne prennent sans que quand la saga se conclue. Le personnage de Rogue demeure une figure gothique empreinte de mystère et de compromis , donnant toute sa richesse à la saga ( aussi bien en livres qu'en films ). Il faut d'ailleurs avouer que la bataille de Poudlard parait finalement à contre - courant des thématiques abordées et de l'ambiance globale ( tout en étant profondément inutile ) et le fait qu'elle ne soit pas présente est tout à fait pertinent.
Il n'a jamais fallu qu'il ait les yeux verts mais qu'il ait seulement les yeux de sa mère
La réussite du film et de la saga dans sa globalité ne serait rien sans le casting fabuleux qui les composent. Mis à part un Rupert Grint toujours aussi limite , Tom Felton livre une performance marquante et torturée tandis que Daniel Radcliffe saisit toute l'ambivalence de son personnage et que Jim Broadbent campe parfaitement son personnage , fidèle aux écrits de Rowling. Mais Alan Rickman vole de manière insolente la mise et captive dès qu'il est à l'écran , figure emplie de noirceur et de complexités vivaces , dont on imagine sans difficulté la mine acariâtre en train d'inventer le sort du sectumsempra.
Le Prince de Sang - Mêlé
Contrairement aux dires des uns et des guerres insensées des autres , Harry Potter et le Prince de Sang - Mêlé est l'opus le plus pertinent et fidèle à l'essence même de ce qu'il adapte , capable à la fois de prises de risques à saluer et de prouesses magiques. Il est le meilleur de cet univers et une preuve , s'il en fallait encore une , que le cinéma et la magie font bon ménage.