Howard Hawks nous remémore, debout sur sa Jeep et droit dans ses bottes, les heures glorieuses d’un paradis quasi disparu. Ce monde qui réservait bien des joies: la nature encore épargnée par l’homme, le frisson du danger (Hatari) pendant la traque, la virile camaraderie d’aventure, la liberté grisante des grands espaces habités par les animaux sauvages, l’odeur de poudre de la vieille Winchester et même les âcres vapeurs du tabagisme, ce monde qui ne vit plus, donc, que dans de vieilles pellicules jaunies.
A cela s’ajoute une peinture de caractères stéréotypés comme on n’en fait plus : Sean le vieux briscard macho (John Wayne, qui d’autre ?) qui cache un cœur tendre, Pockets le souffre-douleur histrion (Red Buttons) que la production française s’est amusée on ne sait trop pourquoi à affubler de la voix de Duffy Duck, la jeune orpheline (la française Michele Girardon) peut-être portée sur les alcools forts (sinon pourquoi l’appellerai-t-on Brandy ?), Dallas (Elsa Martinelli) la jeune et superbe photographe italienne qui embrasse avec autant de fougue le goût de l'aventure que Sean l’ours mal léché. Je passe sur les seconds couteaux réduits à leur nationalité ou à leur apparence: si les autochtones africains brillent par leur quasi absence, l’Indien est stoïque, l’Allemand strict (Hardy Kruger), le Mexicain torero et «moi, je m’appelle Charles Maurey. - Tu la fermes ! On t ‘appellera le Français ! », le Français donc interprété par Gérard Blain qui est effronté.
A part ça l’histoire, contrairement à ce que l’on pourrait craindre, est prenante. Les relations entre les personnages occupent une grande place, que ce soit les relations amoureuses entre Sean et Dallas, entre Pockets et Brandy, mais plus encore la relation amicale entre Pockets et Dallas et les rivalités entre le Français, l’Allemand et Pockets. La bande-son est assez marrante. Les éléphanteaux barrissent, les hyènes ricanent, les singes criaillent, les rhinocéros font boum, boum et puis craaac quand ils chargent les 4x4, alors que pour l'arrière-plan la savane vibre de toute sa douce sauvagerie comme aux débuts de l’humanité.
De nos jours un tel film serait peut-être prétexte à de l'indignation malvenue quant au traitement des rhinocéros capturés au lasso, mais il ne faudrait pas oublier que ces aventuriers capturent des animaux en voie d'extinction qui, au lieu d'être les victimes des chasseurs, se verront offrir de meilleures conditions de vie dans des zoos éloignés qui s'efforceront de reproduire non sans mal les conditions de leur vie naturelle… avant de se reproduire eux-mêmes, dans le meilleur des cas. Pour moi, ce film redonne le moral, surtout par temps pluvieux, et n’a pas vieilli, à l’image de certains rêves de notre enfance qui se résumaient à ce seul mot : l’Afrique !