Une bulle de Champagne.
Voilà Gaston Munescu ! Une bulle de Champagne dans cette coupe en cristal qu'est la Haute-Société.
Une bulle pas bien différente des autres bulles. Même taille, même rondeur, même légèreté mais un goût un peu plus soutenu, un pétillant plus marqué.
Une bulle en liberté qui navigue comme bon lui semble dans cette coupe de Champagne; qui n'en fait qu'à sa tête.
Un voleur. Un gentleman cambrioleur, plus précisément. Voilà le métier de Gaston.
Un travailleur acharné écumant le vieux continent à la recherche de grandes richesses familiales. Une sorte de chercheur d'or en coffre-fort.
C'est dans ce grand cru millésimé, ce Champagne hors de prix qu'est Venise que Gaston va faire la connaissance d'une jolie petite bulle.
Une bulle qui pétille différemment, qui picote le palais et racle un peu la gorge. Une bulle du nom de Lily.
Un joli brin de femme avec des yeux de chat Abyssin et des griffes de vieux matou de gouttières.
Une voleuse. Une détrousseuse de porte-feuilles et une "dérobeuse" de coeurs. Un petit animal fragile à la morsure mortelle.
C'est une rencontre providentielle.
La glace et le feu, le Yin et le Yang. Cette crème de mûre douce et sucrée au fond du verre, venant contre-balancer ce trait de champagne brut, sec comme un coup de règle sur les doigts.
Une entente délicate mais une complémentarité évidente. Puis l'amour, le vrai, le grand. L'amour au rendez-vous.
Cupidon n'a eu le temps de décocher qu'une seule flèche et a fort heureusement touché dans le mille des deux coeurs transis.
Nos amoureux étant partis juste après, avec son arc et ses flèches, ne lui laissant que sa feuille de vigne et ses deux ailes déplumées.
Les voilà lancés sur le chemin pavé d'or et de mauvaises intentions de l'escroquerie organisée.
C'est à Paris qu'ils décident de poser leurs valises. Gaston devient Monsieur Leval et parvient à se faire embaucher en tant que secrétaire et homme de confiance (Un comble !) par la veuve d'un riche parfumeur Parisien.
Madame Collet.
C'est le nom de cette jolie bulle un peu hautaine. Une belle bulle ronde et lisse qui glisse délicieusement sur le palais.
Ces bulles de grands crus millésimés tellement parfaites, ces secrets de fabrication gardés précieusement de siècles en siècles. Ce grain soigneusement vendangé et déposé à part, loin des autres, du tout-venant.
Ce mono-cépage gardé pur et intact pour le bonheur des privilégiés. Un 100% Chardonnay doux comme une caresse dans le creux de la nuque.
Mais Gaston ne reste pas insensible aux charmes pétillants de Madame Collet.
Ce qui devait être une escroquerie des plus classiques se transforme en triangle amoureux aussi charmant qu'imprévu. Une bataille de bulles de Champagne au fond d'une coupe en cristal de Bohème.
Cette coupe de cristal de Bohème comme un écrin raffiné où ces flots de bulles couleur or se rencontrent, s'ébattent joyeusement dans une insouciance juvénile.
C'est un pétillement perpétuel d'idées et de formes.
Un trait d'humour parfaitement dosé avec une pointe de politiquement incorrect pour pimenter un peu le mélange.
Des comédiens au diapason, légers et aériens comme cette écume blanche qui sort en giclant de ce magnum de Veuve Clicquot.
Une rasade de la meilleure des mises en scènes, dynamisant le tout à l'image de ce jus de citron que l'on rajoute aux alcools blancs. Rythmée, moderne, inventive et maîtrisée de bout en bout. Un très grand cru.
Lubitsch en sommelier exigeant fait couler dans cette coupe, alcools et liqueurs les plus rares et les plus chers.
Une main sûre et professionnelle, une connaissance pratique et théorique parfaite de son art.
Une soirée merveilleuse et un service impérial exécuté de main de maître par le chef sommelier en personne, qui nous sert là l'un des meilleurs Champagne de sa cave.
La cuvée "Lubitsch" 1933 ? "Médaillée d'or" sans conteste.