Haute Tension est un film d'Alexandre Aja sorti en 2003 qui raconte l'histoire de Marie, jeune étudiante qui part étudier chez la famille de son amie dans une ferme isolée et coupée du monde lorsqu'une nuit, un tueur s'introduit dans la demeure familiale et tue tout le monde.
Véritable bain de sang, ce film aux allures scénaristiques classiques (Grégory Levasseur et Aja lui-même sont derrière cette histoire) en dit bien plus que ce qu'il n'en prétend. Tout son intérêt réside dans sa capacité à faire sursauter le spectateur non pas par des jump scare banales mais plus dans son atmosphère oppressante et gore qui caractérise notamment les films des années 70 et 80. J'entends par là, les films de Wes Craven ou bien Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper dont on ressent une présence bien marquée.
Des cris, du sang et du sexe ; plus de censure en 2003, le film offre donc à la fois une signature patrimoniale du cinéma qui rend inconfortable, traumatisant et gore. Il est presque tourné comme si nous étions dans un cauchemar réaliste à l'intérieur de la conscience de Marie. En effet, elle nous donne littéralement la clé de l'intrigue lors de la première scène, reconstitution de son inconscient, filmé tel un rêve qui tourne vite au cauchemar où elle dira par la suite pour l'expliquer : « Je croyais que quelqu'un me poursuivait […] C'était pas un mec, je crois que c'était moi. ».
On fait donc connaissance avec ce pervers psychopathe lors d'une des premières scènes du film où on l'entrevoit avoir une relation sexuelle avec une tête de femme, préalablement démembrée. Cette relation sanguine et perverse caractérise le sentiment charnel qu'éprouve Marie à l'égard de sa meilleure amie. C'est du coup avec une subtilité bien dosée qu'Aja créé un personnage mais également une histoire à double face, à double lecture. Car tout le long du film, Marie qui lutte pour ne pas se faire tuer, n'est jamais en confrontation directe avec le tueur sauf lors de l'affrontement final, ce qui bouleverse et tend à centrer l'histoire sur son personnage. On arrive donc à la fin du film avec une bouche grande ouverte, une impression de confusion puis c'est l'épiphanie : on se rend compte que tous ces moments de lutte n'étaient en réalité qu'une confrontation personnelle, presque intime, comme si Marie combattait la deuxième Marie, celle qui est rongée par un sentiment de violence, de jalousie et d’obsession. Pour l'incarner, une magnifique Cécile DeFrance qui donne une performance remarquable, dérangeante et érotique. L'héroïne qu'elle interprète est sexuellement libérée et délibérément sexualisée représentant la femme forte moderne sujette aux fantasmes érotiques et pourtant se dit vierge (on notera de plus qu'elle porte le prénom de Marie).
L'intégralité du film, offre une chorégraphie sanglante de mort réaliste et bien dosée. Les personnages meurent les uns après les autres, tous dans des circonstances plus qu'effroyables et Aja met l'accent sur l’hémoglobine qui devient un véritable acteur du film, faisant le lien entre les faits et l'histoire. Le sang n'est plus une matière qui s'échappe de nos veines mais presque une métaphore d'un premier rapport féminin comme le laisse penser notamment la scène finale qui livre une perturbante confrontation entre les deux femmes, véritable apogée d'une tension bien marquée. Tension perceptible et à la fois très bien mené, car le film nous envoie vers des pistes aux antipodes de la révélation du twist final.
C'est donc à la fois avec une réelle crédibilité et une maîtrise parfaite qu'Alexandre Aja arrive à créer une ambiance sombre en utilisant des codes du film d'horreur de ses prédécesseurs sans pour autant poser un regard critique dessus, mais justement de part cette histoire libérée aux allures classiques, ravive la flamme d'un certain cinéma de genre.