Un an après la sortie du Garçon et du Héron et du Voyage de Shuna dans nos contrées, la sortie en salle (bien trop timide) de Hayao Miyazaki et le Héron nous livre un aperçu de l'envers du décor des six années de préparation du dernier film en date du maître.
Durant près de deux heures, le spectateur est embarqué dans un désordre complet, bien que chronologique, où la fiction se mêle aux souvenirs pour dresser comme un portait psychique du japonais. Cette entreprise ô combien ambitieuse repose principalement sur un montage qui peut s'avérer particulièrement vif et qui met en exergue les parallèles qui se décèlent entre l'œuvre et la vie du dessinateur. Difficile toutefois d'avoir la certitude qu'il est possible de se faire une idée nette de ce qui se passe dans cet esprit si délicat et exigeant car, la tête dans la lune, Miyazaki semble l'avoir en permanence, toujours en quête de création… y compris après avoir annoncer officiellement sa retraite en 2013.
Avec cette malice qui le caractérise si bien, il préfère en effet tirer un trait sur sa décision de mettre un terme à sa carrière, en prétextant, non sans sourire, qu'il a « oublié » à quel point il était difficile de faire un film.
Nous découvrons à partir de là son quotidien, comme si nous étions à ses côtés, au fil d'un compte à rebours de quelques 2 000 jours au cours desquels on boit du thé, coupe du bois, fume, cigarettes après cigarettes, chante, agite frénétiquement la jambe en dessinant… On y meurt aussi… beaucoup. Trop. Dessiner apparaît alors pour lui comme une échappatoire et le seul moyen de se réconcilier avec les fantômes de ses collaborateurs et proches. Cette thérapie n'est toutefois pas de tout repos (c'en est au point où parler d'« exorcisme » ne semble pas si exagéré que cela) et donne du fil à retordre au sensei qui va mener une véritable lutte pour achever le story board du Garçon et du Héron et notamment pour appréhender le personnage du Grand Oncle, à travers lequel il cherche à trouver sa paix auprès de son défunt ami, Isao Takahata. Heureusement, le réalisateur du Vent se Lève est bien entouré et peut toujours compter sur le héron Toshio Suzuki pour l'accompagner jusqu'au bout du chemin !
Véritable imbroglio fantastique et intime qui donne des clés de lecture supplémentaires pour celles et ceux qui ne se seraient pas laissés emportés par le dernier film du papa de Totoro, Hayao Miyazaki et le Héron nous offre une proximité touchante et toujours bienvenue avec le grand patron de l'animation japonaise ! 8/10 !