« Le basket c'est comme de la poésie en mouvement » dit Jésus, un des deux personnages principaux. Quand on voit le générique, quand on voit comment Spike Lee filme ce sport, on n'est pas loin d'être convaincu. Un sport présenté comme universel, pour les filles comme pour les garçons, qui se joue seul ou à plusieurs, en ville ou à la campagne, quelque soit le temps.
Spike Lee adore le basket, on le sent à sa façon de filmer le ballon, de capter la beauté du geste. Il n'a pas pu s'empêcher de recruter un joueur pro (Ray Allen, évidemment impeccable en joueur de basket, un peu moins en acteur, ne faisant pas le poids face à Denzel Washington) et il nous passe même dans le film des images d'archives montrant les performances d'un joueur qu'il admire, à savoir Earl Monroe.
Le film véhicule aussi une idée développée aux Etats-Unis, un peu comme pour le foot chez nous, selon laquelle le basketball est un des rares moyens de sortir du ghetto pour la communauté noire, un joueur parle de rêve, un autre dit que ce sport apporte le bonheur. En tout cas, il peut apporter la fortune, ou les ennuis.
Car ce film n'est pas qu'une ode au basketball : Jésus Shuttlesworth, présenté comme la future star de la NBA, est à l'heure d'un choix important : doit-il opter pour les études et une équipe universitaire ou céder de suite aux sirènes de la professionnalisation ? Ce choix est d'autant plus difficile qu'il a perdu sa mère, que son père est en prison et qu'il élève seul sa petite sœur, l'isolant autant qu'il peut de son oncle qui est leur tuteur légal. Surtout, son père sort provisoirement de prison et lui propose un choix qui pourrait lui permettre de sortir plus vite.
Le père va-t-il retourner en prison et purger sa peine, ou gagnera-t-il une remise de peine, une libération anticipée ? Jésus va-t-il supporter la pression qu'on lui met ? Va-t-il choisir ses études ou l'argent, va-t-il aider son père ou faire son choix indépendamment ? Il se trouve là dans une situation difficile : sa mère aurait voulu qu'il privilégie les études, et donc qu'il opte pour une équipe universitaire, mais il peut signer un contrat pro, qui lui apportera la fortune et réglera tous ses problèmes financiers et ceux de sa famille. Que faire ?
Jésus est entouré de vautours qui veulent tous l'influencer dans son choix : son entraîneur qui le considère comme son fils, sa petite amie, son père, son tuteur (son oncle), des agents sans scrupule, des joueurs ou entraîneurs d'équipe universitaires, tous vont essayer de l'influencer d'une manière ou d'une autre, et jamais de façon désintéressée. Tous les moyens sont utilisés pour forcer Jésus à faire son choix, les plus honnêtes comme les moins réglos : sentiments, filles, fric, religion, etc. Tous les coups sont permis, même les pires, vous verrez. C'est la description d'un monde pourri, le règne des arrangements et manipulations en tout genre, la toute puissance du gouverneur, la puissance et l'attrait de l'argent et de la fortune.
Au début, on craint le pire au niveau pub, mais ensuite, ça se calme, heureusement. Et dans l'ensemble, on a un peu un côté documentaire : Spike Lee nous décrit Coney Island à New York, un quartier défavorisé, présenté de façon assez « noire » : malgré la plage et les parcs de loisir, il y a là de nombreuses populations défavorisées, notamment noires et portoricaines, qui s'en sortent difficilement : violence, drogue, échec scolaire (on voit par exemple le cousin de Jésus avoir du mal à lire à voix haute). Cet aspect n'est pas mis en avant, mais c'est quand même le cadre de vie de Jake et Jésus. Le film montre aussi un peu, mais très ponctuellement, le racisme de la société américaine, notamment dans une réplique du genre « il est noir, vous devriez bien vous entendre ».
Il pose également la question de l'éducation ; que veut-on pour nos enfants ? Comment ne pas leur faire porter tout ce que nous aurions voulu réussir pour nous ? Il aborde enfin, là aussi rapidement, la question du retour d'un prisonnier à la vie « normale », avec ses désirs et ses difficultés.
Le film est bien construit, on apprend peu à peu la raison pour laquelle le personnage incarné par Denzel Washington a été condamné à la prison. Techniquement, c'est parfait, le générique est superbe, on a des plans magnifiques, de beaux mouvements de caméra, de très belles lumières, des musiques sympas, et variées, dont He got game des rappeurs de Public Ennemy, qui donne son nom au film.
On apprécie enfin plusieurs passages drôles, quelques dialogues au poil bonnes répliques (ex : « vous allez me suivre partout où j'irai ? Non, on te suivra pas, on va t'procurer un passeport, un billet d'avion et on t'filera une carte de crédit. Evidemment qu'on sera pas loin, tu t'fous d'la gueule de qui bordel ? » Ou encore « Pourquoi tous les mecs pensent que tirer c'est le médicament miracle ? ».
Bref, une très bonne surprise, que je vous conseille, notamment si vous appréciez le basketball.