Ermites de Sisyphe.
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Rares sont les films matriciels comme représentation d’une nouvelle esthétique dans l’Histoire des formes. Lorsque Heat sort sur les écrans en 1995, loin était chez la presse la clairvoyance que ce polar de Michael Mann deviendrait source d’une réelle influence à venir; même remarque compris pour le grand public malgré un intérêt certain au box-office.
Promu à grand renfort de marketing sur la confrontation cinématographique de son duo d’acteurs, le film de Michael Mann impose sa spécificité par le traitement de sa narration. Jamais Mann ne sort du cadre de son polar, laissant de côté toute tentative qu’aurait pu être la mise en relief explicite et sociologique du Los Angeles des années 90.
La mise en scène, sobre et classieuse, établit un parfait équilibre entre la lenteur de son intrigue et l’éruption de son action.
D’une esthétique melvilienne, avec comme peinture l’ambiance bleutée d’une mégalopole insomniaque, le film de Mann n’en reste pas moins profondément hawksien. Émancipé de la représentation classique du mentor, ici le récit s’affranchit de la notion d’épanouissement professionnel symbolique chez le spécialiste. Mann film ses personnages comme des fantômes assujettis à leur simple condition professionnelle. De même, l’allure chorale du film, à travers une large palette d’acteurs et d’actrices trouvant chacun leur place dans un récit tentaculaire et néanmoins parfaitement cohérent, surligne d’autant plus la solitude chronique des dits personnages et de leur parcours individuel.
La représentation des couples y est défectueuse et insatisfaisante, la confrontation mythique de son duo d’acteurs s’éloigne de tout aspect homérique pour ne retranscrire que leurs propres similarités au sein d'un monde où toute émancipation est devenue impossible.
Cinéaste contemporain de grande envergure, Mann filme son polar comme une œuvre épique en proies aux traits de la modernité. Le souffle classique des épopées d’antan laissant place à du simple pragmatisme, l’idéalisme des bandits romantiques n'exprimant plus qu’une simple rationalisation professionnelle désenchantée...
Bien plus qu’un grand polar, Heat est un miroir des années 90 dans l' édifice des limites de l’Amérique contemporaine : celle d’une crise du sens, d’une insatisfaction et d’une mélancolie insurpassable.
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le 2 oct. 2018
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