Très peu présent dernièrement dans les salles obscures tant l’offre contemporaines des productions cinématographiques me donnent un intérêt assez inexistant, c’est avec un fort a priori négatif que je me suis aventuré devant le spectacle d’un énième western à la tonalité dépressive.
La surprise relative fut de me dire qu’avec une attente proche du zéro, une certaine déception fut cependant présente devant la constation que le genre le plus cinématographique possible semble incapable de se relever d’une décrépitude depuis longtemps annoncée.


Loin de vouloir critiquer le scénario minimaliste d’un duo de frangins à la poursuite de leur veau d’or (le western se symbolisant depuis toujours par des histoires simples), il est plus surprenant de constater que le réalisateur français préféré des dîners mondains ait pu se lancer dans le genre américain par excellence pour ne finalement délivrer qu’une copie très sobre dans ses thématiques mais aussi dans sa mise en scène.
Si les thématiques faussement nouvelles de la masculinité et de la notion de progrès dans un monde en mouvance pourront séduire les moins cultivés du genre, Audiard peine à imposer une cohérence rythmique dans sa mise en scène. Pas assez rythmé pour se rapprocher d’un film d’action et pas assez contemplatif pour se la jouer sous ersatz d’un Malick de la première heure, le film d’Audiard s’inscrit finalement dans une nouvelle sous-catégorie moderne accordée au western : celui du drame classico-postmoderne (à l’image d’un western récent comme Hostiles qui partage la même confusion d’idée entre « Réalisation » et « Photographie »).


Loin de la naïveté première des westerns classiques où la part belle à la mythologie servait d’éloge de la civilisation américaine mais également des westerns italiens dont la tonalité ironique d’antihéros individualistes introduisait une nouvelle mythologie plus représentative de la société de consommation des années 60, le film d'Audiard se répète comme un énième sous-Impitoyable où le « cow-boy » ne doit se présenter que le plus médiocrement possible (du cadet alcoolo au grand frère déversant de pathologie œdipienne), ou l’aspect légendaire du récit épique est expurgé, ou le far-west n’est plus rien d’autre qu’une galerie de bandits et de putains désenchantés qui se seraient abonnés au Xanax si la possibilité leur en avait été offerte…


Finalement l’originalité du film (si on tâche d'en trouver une), vient peut-être de sa tonalité très française dans ce que les films d’auteurs français peuvent produire de pire dans le cinéma actuel : la mise en scène d’un western comme d’un drame psychologico-freudien ; puisque toute cette histoire ne se résume qu’à des personnages souffrant de conséquences psycologico-affectives de structures familiales décadentes…


Malgré ma note très sévère, je ne considère pas que ce soit un mauvais film.
Mais qu’on arrête de parler de western, ce film n’en est pas un…

Wirn
3
Écrit par

Créée

le 29 oct. 2018

Critique lue 2.2K fois

39 j'aime

29 commentaires

Wirn

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

39
29

D'autres avis sur Les Frères Sisters

Les Frères Sisters
jérômej_
7

Les frères Sisters

Jacques Audiard, Joaquim Phoenix, John C.Reilly, Jake Gyllenhaal, Riz Ahmed, Western, tournage en anglais, voilà beaucoup d'arguments qui, sur le papier, m'ont fait saliver. Comme beaucoup, j'avais...

le 21 sept. 2018

77 j'aime

15

Les Frères Sisters
Behind_the_Mask
7

Petit frère ?

C'est donc ça, le fameux et nouveau Audiard. Et aux USA en plus. De quoi sans doute lustrer à nouveau le coq, attitude cocardière légitimée par le lion d'argent obtenu à Venise. Oui, vous le voyez...

le 19 sept. 2018

72 j'aime

14

Les Frères Sisters
AnneSchneider
8

D’une fraternité à l’autre...

Jacques Audiard le proclame hautement : en recourant au genre du western, à travers cette adaptation du roman éponyme de Patrick deWitt, il a voulu un film qui soit pris dans une constante évolution,...

le 21 sept. 2018

48 j'aime

14

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Wirn
10

Le Western comme dernier western…

Tournée en 1968, soit la même année que 2001 l’Odyssée de l’Espace, ce film devait être pour Leone, après sa Trilogie du dollar, la promesse de la Paramount pour la réalisation du projet qui lui...

Par

le 27 févr. 2018

41 j'aime

21

Les Frères Sisters
Wirn
3

Bienvenue chez les Ricains !

Très peu présent dernièrement dans les salles obscures tant l’offre contemporaines des productions cinématographiques me donnent un intérêt assez inexistant, c’est avec un fort a priori négatif que...

Par

le 29 oct. 2018

39 j'aime

29

Taxi Driver
Wirn
10

Journal intime d'un homme moderne

A la fin des années 60, l’orée du Nouvel Hollywood a vue imposer la déferlante de thématiques jusqu’ici soumises aux codes moraux d’une Amérique puritaine et soucieuse de sa propre image. Avec cette...

Par

le 3 sept. 2018

38 j'aime

18