Emois prudes

Moi qui ne jure presque plus que par le cinéma asiatique, je commence à douter sérieusement de mon objectivité vis-à-vis de sa qualité. En effet, il est certain que beaucoup de films d'auteurs (Kore-eda, Wong Kar-Wai, Lee Chang-Dong...) ont des qualités indéniables, mais certains - comme Heavenly Forest - jouent principalement sur les émotions, et je dois dire que, encore une fois, j'ai accroché, bien que ce soit une comédie romantique sans ambition démesurée. Après, c'est peut-être cette absence d'auteurisme qui rend ce genre de films agréables, voire excellents (cf. The Beauty Inside ou Always).

Ici, ce sont donc les sentiments amoureux d'adolescents arrivant à l'université qui sont le sujet (sic). On pourrait penser qu'un tel thème a assez peu de potentiel, surtout si l'on pense à toutes les saloperies produites outre-Atlantique. Il y a quelques aspects regrettables, qui marquent l'influence occidentale (trop) marquée - New York est censée être le paradis où vont tous les Japonais qui ont la chance de partir, tandis que beaucoup des jeunes personnages ont l'impression d'avoir un bon tas de fric pour financer leurs projets professionnels. Cela rappelle donc beaucoup de films Américains où il est fait abstraction de toute une frange de la population - les pauvres, bien sûr - et l'on se concentre sur les problèmes des riches, qui sont, évidemment, à plaindre. Ce côté est un peu agaçant, mais reste assez peu présent pour ne pas devenir gênant, malgré quelques écarts (la séquence du faux mariage...).

Outre ceci, nous avons affaire à une vraie belle romance, principalement grâce à la présence de Aoi Miyazaki, qui avec ses moues et ses yeux de biche pourrait sans problème rendre Donald Trump aussi gentil qu'un chaton. Aoi est à fondre dans ce film, et son naturel nous permet de passer outre le sujet peu original - les Japonais nous démontrant encore une fois que leur traitement si unique de thèmes plutôt normaux apporte une plus-value certaine. Car ce sont des sentiments bien réels qui sont à l'oeuvre ici, et le dilemme du héros est approfondi suffisament pour le rendre crédible. Bien que l'utilisation parfois outrancière de violons soit un léger frein à l'honnêteté du propos, cette histoire d'amour réussit à aller au-delà de simples clichés comme "il y a la beauté intérieure aussi, hein". Cette histoire naissante entre les deux héros est convaincante car naturelle, et l'absence totale de sexe est un aspect également intéressant.

Connaissant les Asiatiques (les Coréens sont pas très nymphos non plus), il est certain que l'on ne risque pas d'assister à une relation comme dans Sex Friends, et cela permet d'aller au fond des choses (oups). Car en se débarassant de ce facteur, le réalisateur analyse des choses qui ont plus de signification, petit à petit - des moments partagés, beaucoup de regards furtifs, etc. Cette chasteté si représentative des Japonais est donc un bon point dans ce film, le personnage de Aoi Miyazaki reconnaissant elle-même qu'elle n'a pas fini de grandir, donc qu'elle ne sait pas encore ce qu'elle veut. Bref, un très beau film avec un fin peut-être un peu trop tire-larmes, mais qui globalement est très juste et nous donne envie de reovir la petite frimousse de Aoi de nombreuses fois!