Le vent se lève
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Hedi a l’air triste. Il a les yeux tristes et vagues, perdus dans le vague. Frère cadet d’une petite famille éparpillée (le père défunt, le grand frère parti vivre en France), Hedi se sent à l’étroit entre une mère qui régit tout, un mariage arrangé et un boulot de commercial qui le déprime et a tout d’une mauvaise blague (vendre des voitures dans un pays, la Tunisie, en récession économique et déserté par les touristes). Une existence terne, déjà tracée, soumises aux conventions, où ses choix et ses envies n’auront jamais d’emprise, jamais le dessus, jamais la moindre consistance. Et puis un jour, Hedi rencontre Rym, jeune danseuse dans un centre de vacances, instinctive et sans attaches, son contraire, un soleil. Et tout va changer.
Après la révolution de 2010-2011, celle de tout un pays qui se souleva alors contre la pauvreté, la corruption et la répression policière, voici donc celle d’un seul homme, et c’est d’abord une révolution amoureuse, une révolution pour sa vie. Mohamed Ben Attia filme, sur une trame classique d’adultère et de coup de foudre, sa terre et son héros avec simplicité et beaucoup de justesse. Il fait de Hedi l’emblème silencieux d’une nouvelle génération déchirée entre soif d’indépendance et respect des traditions que le printemps arabe, malgré ses promesses de lendemains meilleurs, n’aura pas permis de s’affranchir. Et les rêves, eux, ont tourné à l’amertume, aux faux espoirs.
Hedi (Majd Mastoura, impeccable) rêve d’un peu de folie, à d’autres latitudes, à un autre lui (magnifique scène de danse où il semble totalement en transes). Voilà donc le jeune adulte à l’avenir entravé qui, soudain, se change en jeune amoureux épris d’ailleurs et de bande dessinée (ses nombreux dessins, en noir et blanc tourmenté, paraissent révéler les affres de sa conscience). Ben Attia associe cette relation, banale finalement, à une parenthèse enchantée pleine de confiance et de passion retrouvées, mais vite rattrapé par la condition du réel (l’argent, le travail, la famille, le confort…), par l’impuissance des idéaux, comme si croire à ses propres aspirations ne pouvait, jamais, être autre chose que du vent, fût-il celui de la liberté.
Créée
le 4 janv. 2017
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