Voilà.
Ils nous ont cherché aussi ! Ils nous narguaient à arpenter fièrement la Terre, eux, les fourmis ! Les types qu'on distingue à peine tant on les regarde de haut. Avec leurs quatre bras, quatre jambes, et deux sexes, deux fois le même ou deux différents... Ils faisaient les malins, ils nous défiaient, à se croire meilleurs que nous les arrogants. Alors forcément, on a dû les recadrer.
"Zeus !", qu'ils m'ont fait les copains. "Faut faire quelque chose !"
Tu penses bien que j'étais d'accord, mais j'allais pas laisser ce marteau de Thor les éclater en miettes, alors j'ai pris mes responsabilités, et j'ai foudroyé à tout-va. Je les ai découpés les fumiers ! Pile au milieu, les mecs d'un côté, les filles de l'autre, et on les a éparpillés pour qu'ils retrouvent jamais leur moitié ! Bien fait pour leurs gueules !
Ça leur apprendra à ces prétentieux, ils se rappelleront peut-être que c'est nous les patrons, et...


Attends.


J'entends comme un bruit. Y'a quelque chose qui s'agite en bas, au milieu du bordel.
Bon dieu y'en a un qui hurle. Un ? Une ? En tout cas, il s'excite. Du rock qu'ils appellent ça. Le v'là qui crache sa hargne, sa fureur dans des petits bars miteux, trop petits pour accueillir sa folie, devant des gens trop propres pour comprendre ce qui se passe, repoussés par ce spectacle affolant s'imprégnant à jamais sur leurs rétines.
On dirait presque qu'il m'en veut, à convulser comme ça !
Encore un teigneux, du genre qui me vrillent les nerfs. Vas-y gueule, ça me fait une belle jambe.


Mais va savoir pourquoi, celui-là il m'attire l'oeil. Pas pour sa dégaine, pour sûr qu'il détonne, mais c'est pas ça qui me choque. J'ai vu son regard.
J'ai vu celui d'un type perdu, les yeux embués dans l'horizon, porteur de plus de douleur qu'un homme ne peut supporter. Je l'ai vu regarder dans le vague, avec une mélancolie qui défie l'entendement. Comme s'il voulait chialer, mais qu'il ne pouvait plus.
Un type qu'est à sec de larmes, ça mérite toujours qu'on s'y intéresse de plus près.
Condamné à être lui à jamais, dans un corps mutilé, errant à la recherche de sa moitié, homme ou femme, perdue par ma faute, il teinte toutes ses actions d'une sensibilité sans pareille. Sous son vernis provocateur, son maquillage tapageur et sa musique furieuse, il cache une douceur et une tristesse propre aux âmes brisées. Il aime plus fort, il souffre plus fort.
Entre deux concerts, livré à lui-même, il retombe dans cette douce mélancolie, celle d'un être seul, perdu. Avec ou sans perruque, son âme mise à nue affine ses traits, sa sincérité fait naître une étincelle.
Il est belle.


Un être magnifique, mais condamné à la souffrance, à jamais éclaté, disjoint d'une partie de lui. Un innocent qui ne méritait rien de tout ça.
Bordel, je crois qu'on a fait une connerie.

Créée

le 2 juin 2016

Critique lue 545 fois

23 j'aime

5 commentaires

Black_Key

Écrit par

Critique lue 545 fois

23
5

D'autres avis sur Hedwig and the Angry Inch

Hedwig and the Angry Inch
Black_Key
9

The Origin of Love

Voilà. Ils nous ont cherché aussi ! Ils nous narguaient à arpenter fièrement la Terre, eux, les fourmis ! Les types qu'on distingue à peine tant on les regarde de haut. Avec leurs quatre bras, quatre...

le 2 juin 2016

23 j'aime

5

Hedwig and the Angry Inch
Gand-Alf
8

Trans is beautiful.

Dès son premier film, John Cameron Mitchell nous entraîne dans un monde bien à lui, à la fois drôle, délirant et ancré dans un profond malaise, construisant son univers autour de sa propre expérience...

le 24 mai 2012

17 j'aime

2

Hedwig and the Angry Inch
capybaranna
7

"It is clear that I have to find my other half. But is it a he or a she?"

J'avais découpé l'affiche de ce film dans un Rock Mag en 2001, et l'avais punaisé au dessus de mon bureau d'adolescente gothique fan de Placebo (pas trop de clichés? non? ça va?). Je la trouvais...

le 5 mai 2012

7 j'aime

Du même critique

What a Wonderful World
Black_Key
9

Time for hope

Ce matin, j'ai pas envie de rigoler. Ce matin, j'ai une sacrée gueule de bois. Pas du genre qu'on fait passer en buvant je ne sais quelle mixture miracle, pas du genre qui attaque le foie en même...

le 14 nov. 2015

132 j'aime

10

Il était une fois en Amérique
Black_Key
10

Brumes et Pluies

Le temps passe. Facilement, il se confond et perd sa structure. Les souvenirs, regrets et joies se mélangent et forment un dédale infini. Les époques se recoupent, se font écho. Elles s'entrelacent...

le 17 déc. 2015

90 j'aime

24