Cela fait plusieurs années que je suis pris d’une envie folle de découvrir le travail de Edgar Reitz sur Heimat, l’œuvre d’une vie comme on peut dire. Pour autant je ne le trouve pas, ou alors je n’ai pas le courage de me lancer dans plus de 50heures d’une œuvre pourtant si alléchante sur le papier. C’est alors qu’il y a quelques mois, lors du festival de Berlin, j’apprends qu’un nouveau Heimat va sortir, une sorte de prequel aux trois séries, se passant 60ans avant Heimat premier du nom et retraçant sur 2-3ans la vie d’une famille dans le village fictif que Heimat a rendu célèbre. Je guette alors avec hâte la sortie.
Et nous y voilà, le 23 octobre je peux enfin tâter de la première partie qui sera suivie de la deuxième le lendemain.

Heimat c’est donc l’histoire de Jakob, petit dernier d’une famille paysanne de l’ouest de l’Allemagne passionné par les langages indiens d’Amérique du Sud où il rêve d’aller. Un jour son grand frère revient de l’armée et ses plans basculent.

J’en attendais beaucoup et la première partie, je dois l’avouer, m’a plutôt déçu. La mise en scène est virtuose, l’utilisation de la steady cam, les mouvements de caméra etc… absolument géniaux, la photographie magnifique, mais le film prend trop son temps pour bien poser ses bases, du coup les premières 45 minutes me paraissent un peu fades pour ce qui est du fond, un peu ennuyantes également.
Puis la première partie décolle enfin et la dernière heure passe à une vitesse folle et laisse envisager une deuxième partie encore mieux. Et le générique de fin, je regrette vraiment que mon cinéma ne passe pas les deux parties à la suite, déjà je me fais avoir en pensant avoir louper ce bon vieux Herzog, apparaissant au générique de la première partie, et en plus je meurs d’envie de découvrir la suite, et je crains que la coupure de presque un jour entre les deux me cache cette dernière…

Du coup, un peu sceptique, je retourne au cinéma le lendemain.
Et là c’est la claque, là où j’aurais mis maximum 6,5 à la première partie, je monterais très franchement à presque 9,5 pour la deuxième, je m’explique :
La deuxième partie améliore tout ce qui faisait défaut à la première, à commencer par le rythme, beaucoup plus maîtrisé, en même temps Reitz n’a plus d’histoire à mettre en place, elle l’est déjà, il ne lui reste plus qu’à mettre tout son savoir faire, celui de ses acteurs, sa mise en scène et sa photographie au service d’une histoire savoureusement écrite et qui va donc passionner pendant les 2h08 que dure cette partie. « L’exode » sous titre de la deuxième partie, est sublime de bout en bout, et le film prend une envolée supplémentaire dans sa deuxième heure qui ajoute au film un lyrisme bien supérieur à ce qu’il a pu fournir jusqu’à maintenant au point d’être scotché sur son siège, un filet de bave au coin des lèvres et une boule dans la gorge. « L’exode » fait ce que la première partie ne fait pas, elle nous propose un rêve éveillé (et pourtant le titre de la première partie contient le mot « rêve »). La photo est hors du commun, la mise en scène est à la fois posée et souvent en mouvement avec une virtuosité rare, on esquisse par moment le plan séquence, sans jamais trop en rajouter dans ce sens, juste ce qu’il faut.

La reconstitution historique est assez impressionnante, ce village, les décors etc… la façon dont Reitz filme le ciel l’est tout autant, on voit par moment que ce sont des images de synthèse comme la nuit ou lors du passage d’une comète, mais souvent c’est juste magnifique et les jeux de lumières sont impressionnants, la première fois j’ai eu peur que ce soit un peu kitch, mais finalement on en est loin.
Un film, et une deuxième partie donc très impressionnant, une belle fresque familiale dont je regrette quand même deux trois choses :

Déjà une utilisation un peu frileuse de la couleur, un drapeau par ci, des feuilles par la, mais surtout un champ, à un moment, la mère du héros qui respire l’air ambiant, et la couleur qui arrive comme un miracle sur ce champ, juste le bout des tiges, d’un bleu/violet magnifique, pour l’une des plus belles scènes du film, voire de l’année… malgré tout la couleur se fait très discrète.
Je regrette également une dernière chose, la mise en scène, le noir et blanc, le ciel ou même la couleur par moment font plus penser à une pure fiction qu’à une reconstitution réaliste de l’époque, à un rêve qu’à un témoignage historique, mais bon, on s’en fiche un peu tant l’ensemble est réussi et magnifique…

Ainsi donc, ce Heimat me donne toute confiance pour enfin me lancer dans les trois séries de Reitz, mais également sur le fait que l’on tient ici l’un des meilleurs films de l’année 2013, un peu long à démarrer mais, par la suite, magnifique de bout en bout, magistralement mis en scène, interprété et très émouvant, surtout avec cette magnifique fin. Un film que je recommande malgré ses 4h.

Ps : On peut également noter un caméo de Herzog absolument génial et délectable.
Sasory
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le 25 oct. 2013

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