Sans concession, les premières images nous confrontent au programme à venir : à l'arrière d'un pick-up, la tête d'un homme est écrasée par une botte de para-militaire, avant d'être pendu d'un pont. De ce parti pris cru et voyeuriste, Heli joue au film d'auteur qui en fait trop pour revendiquer sa radicalité. Pourtant, le malaise recherché surgit là où l'image suggère sans trop en donner.
Deux séquences en sont représentatives : une femme se refuse à son mari, on ne sait pour quelle raison. D'apparence juvénile, l'homme laisse planer le doute du viol avant de la relâcher. L'ensemble de la scène est filmée en plan taille, laissant voir un ballet de baisers évités et de regards détournés.
Deuxièmement, un post-adolescent avec sa petite amie, elle beaucoup plus jeune que lui, glisse sa main sur sa cuisse avant qu'elle ne l'arrête. La gêne naît dans la manifeste différence d'âge, qui les confronte à un geste de couple anodin depuis un passif différent. Sans se plier à la vulgarité, l'appréhension est implacable, et notre moralité ébranlée.
Avant que "Heli" ne dépérisse dans une litanie de violence (scène de torture plein cadre, pénis immolé et autres joyeusetés), les premières quarante-cinq minutes déroulent une leçon de mise en scène, jouant d'une variation de plans fixes, où les acteurs se meuvent en exploitant la profondeur de champ. Cette famille mexicaine sans l'aspect de thriller nauséabond était intéressante à filmer d'elle-même, dans ses déviances quotidiennes.
En place de quoi, l'enfer se matérialise par le point de vue profondément malveillant et frontal d'un réalisateur, qui satisfait ses instincts primaux en place d'une mise en scène de suggestion.