Ce film vous est présenté par l'Office National du Tourisme Mexicain
Ah ! le Mexique ! Ses paysages désertiques qui s'étendent à n'en plus finir, ses petites banlieues désolées dont les bicoques ont les murs décrépis. Venez visiter et vivre le quotidien misérable de ces familles pauvres qui cohabitent à 5 dans des maisons insalubres, où le père partage la chambre de la fille, où le chien vit sur le toit.
Appréciez la beauté infantile de ces gamines hyper-sexualisées qui vont à l'école et sa tapent des mecs chelous comme si de rien n'était. Faites un safari inédit à l'arrière d'un pick up" - vue panoramique imprenable sur le ciel vide et délavé. Apprenez à aimer les manières peu affables de nos guides amateurs de jeux vidéo.
Découvrez une large gamme de gastronomie locale, à base de poudre blanche et d'herbes séchées. Trouvez l'inspiration dans des méthodes de conservation ancestrales où les produits se gardent empaquetés dans la citerne d'eau de consommation.
Ne vous formalisez pas des méthodes curieuses de notre police locale qui préfère vous trimbaler agonisant dans le désert que de vous amener à l'hôpital. Et surtout, contemplez la maestria avec laquelle ce merveilleux clip promotionnel à la gloire de notre pays est réalisé :
Plans séquences élégants qui cadrent à merveille les jeux enfantins de nos concitoyens qui se balancent sous les ponts. Plans longs et quasiment fixes qui laissent les artistes contemporains les plus talentueux de leur génération donner libre cours à leur démesure dans des performances incandescentes merveilleuses. Plans larges de paysages immenses et vides où des personnages fourmis s'animent au loin comme des jouets abandonnés dans la chambre d'un enfant démiurge peut-être trop cruel.
Bref, si tout cela ne vous convainc pas, c'est peut-être parce que vous en avez marre que le Mexique au cinéma ce soit juste la drogue, la torture, la saleté, la pauvreté, le meurtre, le viol, la complaisance, l'austérité, l'humour déplacé, le rythme lent, le sexe glauque... Et tout ceci ne vous donne pas vraiment l'eau à la bouche, Heli n'est pas vraiment fait pour vous. Passons donc sur la première partie du récit (une ouverture glaçante mais plutôt virtuose, puis un début de film pas inintéressant mais parsemé de séquences chocs assez odieuses), pour en venir au plat de résistance, à savoir le coeur répugnant du long métrage où le réalisateur se perd totalement en filmant des enfants du cartel tortionnaires, pervertis par la drogue, le jeu vidéo (sérieux ?), les nouvelles technologies (sérieux² ?) et je vous en passe, où on nous cadre une séquence de torture infâme avec la mère qui cuisine en arrière plan sans piper mot, où l'on abandonne à son sort une pauvre gamine dont le retour à la fin sera en fait le seul élément d'un suspense malsain et inutile. Et puis le dernier tiers, inintéressant et qui n'en finit pas, avec son enquête inexistante, ses amorces de violences conjugales et de sexe sordide, sa vengeance à deux sous et cette grossesse amorcée où l'interdiction d'un IVG ne semble pas poser plus de problème que cela.
Alors oui, évidemment que le but du cinéaste est de dénoncer un certain état de délabrement de son pays, de ses institutions, mais la forme tantôt complaisante et tantôt parfaitement molle ne fait rien pour donner la moindre incidence polémique à son récit, qui se contente d'être une succession interminable de scènes grotesques ou scandaleuses où une certaine qualité de composition de l'image (les cadres minutieusement étudiés) fait place de cache-misère là où on devinait le potentiel d'une tragédie familiale très forte et marquante (le plan sublime et douloureux où l'épouse découvre la maison ensanglantée). Bref, ici c'est le négatif voire le très négatif qui l'emportent, avec un cinéma moralement rance, désincarné et prisonnier de sa forme trop savante et sans émotions, ponctué de l'habituelle et insupportable cruauté envers les animaux (décidément les mexicains c'est leur dada de buter des chiens aussi violemment) et que l'on couronne des plus hauts prix dans les festivals international. Un jour Cannes comprendra que Reygadas, Escalante et leurs confrères de ce cinéma auteuriste et prétentieux ne sont pas des génies, et que le cinéma mexicain contemporain nous veut du mal.