J'ai reçu récemment un mail du Forum des images me proposant des invitations pour Hell's ground, ou Zibahkhana, le premier film gore Pakistanais !
Je pensais honnêtement pouvoir aisément trouver quelqu'un que la seconde invitation intéresserait, mais plusieurs ont refusé, hésitants à dire non franchement. Je pense qu'ils avaient les foies, qu'ils pensaient qu'ils allaient s'uriner dessus.
A la fin, je présentais le film ainsi : "que dirais-tu d'une invitation pour une avant-première d'un film qui va assurément marquer l'histoire du cinéma... Pakistanais ? Le premier film gore pakistanais."
Je dois dire qu'au final, j'avais moi-même été hésitant. L'affiche est moche, la plupart des images que j'ai vu aussi, la note sur IMDb est basse... mais après avoir lu quelques avis, j'ai pensé avoir la garantie que ce serait fun au moins au second degré.
J'ai dit "avant-première", car c'est effectivement ce que j'avais lu, alors que le film date de 2007. Ca ne pouvait signifier qu'une chose : que le film allait sortir en DVD en France !
Ca a été confirmé par les membres d'1kult qui présentaient la soirée (ces saints qui ont interviewé et filmé Norbert Moutier), et qui préparent une collection de DVD. Je ne sais pas s'ils en vendront beaucoup, mais l'initiative me plaît.
On nous a présenté avant Zibahkana (c'est comme Cthulhu et pirnaha, vais me souvenir où se placent les h, à force) deux courts-métrages : The legend of beaver dam et Banana motherfucker. On nous a rien expliqué de tel, mais au vu du texte similaire au début des deux films, je m'imagine qu'ils faisaient partie d'un même concours où il fallait partir d'un pitch identique pour faire son court-métrage.
Le premier était bien sympa, bien que la fin m'ait déçu. Le second était très lourd.
Comme nous l'ont expliqué les présentateurs, la présence du nom de Pete Tombs, créateur de Mondo macabro, au générique, s'explique, si j'ai bien compris, par le fait qu'il cherchait à obtenir le film "Dracula au Pakistan", et que le futur réalisateur d'Hell's ground l'a aidé. Pour le remercier, Tombs l'a aidé à produire son film.
Premier film gore pakistanais, donc, tel que c'est affiché avec fierté, alors que justement à l'inverse il faudrait se méfier de ce statut.
Zibahkhana, représentant du Pakistan qui rentre dans le genre du cinéma gore, c'est un peu comme un élève qui arrive en 6ème, tout juste sorti de l'enfance, et qui doit côtoyer des ados bien plus âgés face auxquels il ne fait pas le poids, mais qu'il essaye malgré tout d'imiter, se disant que maintenant il est dans la cour des grands.
On retrouve ainsi un peu tous les clichés du slasher movie : le vieux fou qui prévient du danger les jeunes qui n'écoutent rien, le raccourci à cause duquel on se perd, la cabane perdue en forêt, avec pleins de gens bizarres qui rôdent autour.
On retourne même en arrière avec un esprit de slasher 80's, le film se montrant très moralisateur. Pakistan oblige, ici il n'est pas question de sexe entre ados qui mène à la mort, mais d'infidélité religieuse. Et ce n'est pas la vierge qui survit, mais la fille qui a un médaillon avec l'inscription "dieu est grand". En plus elle s'appelle Ash, alors...
J'ai cru d'abord à un petit clin d'œil au début quand un personnage, sans aucun raison, regarde un passage de "Dracula au Pakistan" en se levant (moi en général je vais aux toilettes, m'enfin chacun ses habitudes). Mais en fait Zibahkhana en revient plusieurs fois à cette référence : on a une citation du bouquin de Bram Stoker à un moment, et les jeunes rencontrent un vieux fou que l'un d'eux reconnaît comme étant l'acteur de "Dracula au Pakistan" (oh, mais quel hasard, il regardait le film ce matin même !).
Je comprends pas trop pourquoi cette obsession, est-ce que ce film est une référence au Pakistan ? Ou est-ce que leur cinéma fantastique est si pauvre qu'ils ne pouvaient faire allusion qu'à celui-là ?
Mais au-delà de ça, Zibahkhana pille même carrément un film en particulier : Massacre à la tronçonneuse.
D'ailleurs la repompe de l'intrigue est telle que ce qui aurait déjà été prévisible l'est encore plus pour ceux qui ont déjà vu le film de Tobe Hooper.
On retrouve plusieurs éléments de ce classique, mais en moins bien et/ou plus ridicule : on s'attarde trop longtemps sur les plans de vieux objets accrochés aux arbres, l'auto-stoppeur ne se coupe pas simplement la main mais présente une tête coupée aux jeunes (je sais même pas d'où il la sort), ...
On peut aussi voir une esthétique reprise au remake de Marcus Nispel, avec ces planches en bois à travers lesquelles filtre de la lumière, ou à Massacre à la tronçonneuse 3, avec un méchant attardé qui s'habille en femme, comme Leatherface dans cet opus de la saga.
En effet, le méchant est un homme portant une burqa ensanglantée, et faisant pivoter en quasi-permanence un fléau d'arme, même quand il n'y a personne, mais c'est juste pour impressionner le spectateur en faisant passer la boule à pics près de la caméra, avec un bruitage genre "swomp, swomp" à chaque fois.
Appelons-le Burqaface. Même s'il a un peu un air d'Elephant man, dans cet accoutrement idiot.
Sa mère (qui se fait passer pour une gentille en accueillant l'héroïne apeurée, comme dans vous-savez-quel-film) rassure Ash en lui disant "ne sois pas ridicule, les hommes ça ne porte pas de burqa". Hilarant.
Pour moi, le film se montre quand même intéressant par les spécificités en rapport au pays, qui détournent des figures classiques du cinéma d'horreur, avec cette burqa, ces jeunes qui meurt car ne sont pas de "bons musulmans", etc.
Plus curieux par contre : ce choix de mettre un nain zombie dans un plan. Un nain zombie, ah. Faut de tout pour faire un monde, je suppose.
Attendez... Massacre à la tronçonneuse + zombie... les mêmes bases que celles utilisées par le premier slasher français, Mad mutilator ! Sauf que Mad mutilator c'était en 83, depuis on a avancé...
En tout cas, cette référence supplémentaire (ça fait plaisir que le cinéma français soit reconnu, même au Pakistan) prouve que le réalisateur est effectivement un amoureux du genre horrifique. En témoigne aussi cette affiche de Maniac dans la chambre d'un personnage.
Par contre, comme chez Norbert Moutier, il y a la passion, mais pas forcément le talent.
Côté technique, il y a le matériel qu'il faut je pense, mais le son se révèle dégueu dans une des premières séquences, la mise au point est très mal faite, et il y a beaucoup trop de plans avec une très courte focale qui approche dangereusement du fish-eye.
La réalisation, et par là j'entends le découpage des plans, est correcte par contre. Pas de défauts à mon souvenir. Il y a juste un plan très mal choisi selon moi : cette contreplongée extrême sur une femme âgée à poitrine proéminente.
Le scénario, quand il ne plagie pas, il est très basique. D'ailleurs on suit bien trop longtemps les jeunes simplement voyager en van, et il faut attendre un bon moment avant qu'il ne se passe quelque chose. Et la caractérisation des personnages est très simple, elle passe par une scène attribuée à chacun au début du film, et c'est à la limite de la caricature dans certains cas (les parents de l'un qui disent "chier" tout le temps, pour signifier que ce sont des beaufs, ...)
La BO, elle est composée de chansons pakistanaises. Pas trop mon truc, en bref. Il y a aussi pleins de bruitages clichés censés faire peur en arrivant d'un seul coup.
Le maquillage et les effets spéciaux, points importants d'un film pareil, sont très mal fichus. Et la plupart des coups portés se font hors-champ, ou dans le dos d'un personnage de sorte qu'on ne voie pas. Le son de chair écrasée remplace l'image. On ne constate la blessure qu'ensuite, ce qui retire tout caractère impressionnant aux meurtres.
Le film était mou, pas si drôle que ça, quoique dans ce contexte, et en compagnie d'un acolyte, j'ai dû davantage m'amuser que ça n'aurait été le cas si j'avais regardé Zibahkhana seul sur mon ordi.
Pour moi c'est un film qui veut "faire comme...". Faire comme les grands. Quitte à reprendre des clichés, reprendre l'intrigue d'un film, ou placer des effets vidéos inutiles (la vidéo qui vire au teint mauve, je sais plus pourquoi, et ces arrêts sur images qui forment des cases de BD).
C'est la même intention, à mon avis, qui se trouve derrière le fait que les personnages parlent la moitié du temps en anglais, et l'autre moitié dans leur langue. Mais j'avais déjà vu un peu ça dans des films de Bollywood aussi.
Je vais pas m'intéresser au cinéma de ce pays à mon avis, mais je leur souhaite de progresser bien vite s'ils continuent dans le genre de l'horreur.
Ce que j'en retire ? Euh... j'ai vu un film Pakistanais. Et le premier film "gore" Pakistanais, en plus de ça. Non je sais pas.