Amoureux fou de créatures en tout genre et grand admirateur du travail de Mike Mignola, le cinéaste Guillermo Del Toro rêvait depuis toujours de porter à l'écran les aventures du héros cornu, Hellboy. Faute de véritable carte de visite à destination des studios (Mimic fut dénaturé et L'échine du diable n'eut droit qu'à une exploitation confidentielle), il accepta de tourner Blade 2 pour New Line Cinema, sur les conseils de Mignola en personne. Suite au succès de cette suite sympathique, Revolution Studios lui confièrent enfin les commandes de ce projet tant désiré.


Tout en s'inspirant des premières aventures de Hellboy, Guillermo Del Toro fait le choix controversé de s'éloigner le plus possible de l'univers gothique et ténébreux imaginé par Mike Mignola, afin de se le réapproprier totalement, de l'inclure plus harmonieusement à son propre style. Avec la complicité de l'auteur lui-même, le créateur de Pacific Rim parvient donc à livrer un spectacle tout personnel, répondant certes à un cahier des charges bien précis mais incluant certaines obsessions du metteur en scène.


Jouant ainsi le jeu des studios en acceptant quelques compromis, Guillermo Del Toro réussit l'exploit de tourner ces contraintes à son avantage, comme le montre l'emploi du personnage de l'agent Myers, protagoniste fade mais "humain" plus ou moins imposé par les producteurs. Imaginé comme une passerelle à destination des spectateurs, le cinéaste l'utilise surtout pour approfondir le personnage de Liz, simple second rôle du comic-book trouvant ici une incarnation complexe et émouvante. Loin d'être accessoire, le triangle amoureux renforce du coup la superbe histoire d'amour au coeur d'un film se voulant avant tout une magnifique déclaration aux freaks et une relecture steampunk de La belle et la bête.


Excellent film d'action multipliant les séquences spectaculaires malgré un budget certes confortable mais loin d'être à la hauteur des ambitions d'une telle entreprise, Hellboy est avant tout une histoire de filiation. Celle unissant les membres névrosés d'une même famille dysfonctionnelle, outsiders luttant dans l'ombre pour la survie d'une espèce humaine qui ne veut paradoxalement pas d'eux. Tout à la fois attachants, touchants, drôles et meurtris par leur propre condition de "phénomènes de foire", les personnage évoluant sous la caméra de Del Toro représentent sans nul doute la véritable force de cette première aventure cinématographique.


Aux côtés des excellents John Hurt, Doug Jones, Selma Blair ou encore Jeffrey Tambor, Ron Perlman en impose à chaque seconde, coiffant au poteau un Vin Diesel souhaité par les producteurs, et s'impose comme le seul et unique choix pertinent pour incarner cet être aussi badass que fragile. Un anti-héros immédiatement marquant, tout comme le sont ses adversaires, à commencer par l'énigmatique Kroenen, ancien soldat à la solde d'Hitler et amateur d'automutilation, croquemitaine tout droit sorti des enfers qui aura marqué à jamais ma cinéphilie.


Bien que devant composer avec les contraintes inhérentes à ce genre de productions et ne faisant pas encore preuve d'un épanouissement complet dans sa mise en scène, Guillermo Del Toro réalise le film qu'il aurait souhaité et c'est bien là l'essentiel. Un pur feel-good movie aussi fun qu'émouvant, traversé d'instants de grâce et nourri de magnifiques tableaux où le coeur à décidément plus d'importance que la puissance de feu.

Gand-Alf
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le 28 déc. 2015

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Gand-Alf

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