Nous l’attendions, ce Hellboy 3 ! Nous voulions absolument revoir ce cher Ron Perlman rendosser le costume du diable aux cornes limées pour un ultime épisode. Celui qui mettrait fin à une trilogie qui aura permis à Guillermo del Toro de crier au monde entier son amour pour les monstres (ce qu’il confirmera avec Le Labyrinthe de Pan et bien plus tard La Forme de l’eau). Qui permettrait à son talent artistique d’exploser pour un plus large public. Mais la dure loi hollywoodienne aura eu raison de la réalité : les deux premiers opus n’ayant pas su être de francs succès au box-office mondial, les producteurs ont préféré mettre fin à l’aventure. Et ce même malgré l’insistance de l’acteur principal et surtout des fans – qui avaient répondu à l’appel aux votes de del Toro lui-même. Une tragédie que nous ne comprenons toujours pas. Oui, car alors que l’annulation de ce Hellboy 3 annonçait l’arrêt définitif du personnage au cinéma, voici que les producteurs nous servent un reboot, sorti de nulle part. Une remise à zéro inattendue que nous voulions haïr d’entrée de jeu, à l’instar de The Amazing Spider-Man à l’époque de sa sortie (ce dernier « remplaçant » un Spider-Man 4 tant espéré). Après, nous avions mis notre réticence de côté et voulu lui laisser une chance. Peine perdue en voyant le résultat final, énième preuve que les producteurs hollywoodiens ne savent pas correctement exploiter ce qu’ils ont entre les mains et qu’ils ont une bien mauvaise vision des attentes du public…


Car ce Hellboy version 2019 est l’apothéose de tout ce qui ne va pas dans le Hollywood actuel. Si nous avions eu récemment droit à des anomalies à part entière (Suicide Squad, La Momie, Justice League, Solo : A Star Wars Story, Venom, The Predator…), ce reboot est tout bonnement la quintessence d’un foutoir sans nom. D’hommes qui veulent à tout prix exploiter un filon mais s’y prennent de manière à la limite de l’insulte et du blasphème. En effet, si l’on fait un peu l’historique de la saga cinématographique, Hellboy est né dans les années 2000. Période durant laquelle les adaptations de comics prenaient leur essor via quelques titres à succès (Blade, X-Men, Spider-Man…) tout en donnant naissance à des films discutables (La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, Superman Returns) voire mauvais (Daredevil, Hulk, Les 4 Fantastiques…). Les grosses productions s’étaient d’ores et déjà, bien avant la suprématie de Marvel/Disney et d’Avengers, tournées vers cette mine d’or de l’entertainment à grand spectacle. Hellboy faisait partie de ces projets à but lucratif mais qui, entre les mains d’un artiste et d’un fan, avait donné quelque chose de bon et mémorable. Si le succès commercial n’était pas forcément au rendez-vous, ce n’était pas à cause de la qualité, du casting ou bien de l’ensemble, mais surtout du fait que le personnage éponyme n’était pas spécialement connu du grand public. Mais non, les producteurs ont jugé que le large public était beaucoup trop hermétique à la créativité et au génie de del Toro, et ont préféré tout laisser tomber pour reprendre à zéro avec un réalisateur plus modelable – plutôt que de sortir le terme yes man encore une fois… Et comme les films de del Toro s’éloignaient de la vision de la production – qui avait déjà mis son grain de sel sur le 2 en ajoutant cet aspect fun et hautement spectaculaire –, ils ont trouvé là l’occasion de faire le film Hellboy qu’ils voulaient : un pur produit qui surfe sur les succès actuels. Ce qui marche le plus auprès du public en général ? Les films Marvel ! Dans ce cas, faisons un divertissement fun, décomplexé et épique ! Longtemps mise de côté par peur de la censure, la violence visuelle est bien appréciée quand elle est utilisée de manière jouissive ? Alors vendons notre film sur son classement Rated R à l’instar de Deadpool et Logan, cela marchera ! Certaines bandes-annonces attirent le regard avec la nostalgie et la pop culture ? Bâtissons la promo sur un remix de Smoke On The Water de Deep Purple, car ça fait très « hell » ! Rien qu’avec ça en tête, il faut sentir d’entrée de jeu la mise à mort de l’art créé par del Toro pour un titre bien plus industriel et passe partout. Et encore, même avec ce constat, rien n’empêchait Hellboy d’être un long-métrage efficace. Il avait même des atouts en poche pour l’être, comme la prestance de l’acteur David Harbour (Stranger Things), le savoir-faire du réalisateur Neil Marshall (The Descent) et la contribution de l’auteur lui-même, Mike Mignola. Mais non ! Il aura fallu une sempiternelle histoire de problèmes de production pour que le projet soit un désastre total. Même bien pire que ce que le cinéma hollywoodien nous a livré depuis des années !


Et il faut bien le dire, ces problèmes sont nombreux ! Entre une production visant un divertissement à la Marvel et un réalisateur préférant se tourner vers l’horreur, ce dernier se faisant écraser par les producteurs, David Harbour qui se retourne contre lui, le scénario et la direction artistique remaniés par plusieurs personnes (dont les comédiens eux-mêmes) et ce pendant le tournage… rien n’allait sur la mise en chantier de ce long-métrage ! Pour le coup, il est compréhensible de voir à quel point le blockbuster est raté de bout en bout. Le scénario ? Un ramassis de clichés, de personnages creux (Hellboy n’est même pas attachant) et d’idées recyclées ici et là (on nous ressert la « naissance » de Hellboy et l’apocalypse qu’il devrait causer à l’humanité). Et se perdant même dans un n’importe quoi sans nom, faisant intervenir les légendes arthuriennes de manière grotesque. L’humour ? Se voulant fun, celui-ci est d’une lourdeur gargantuesque que même les films American Pie n’oseraient aborder – le coup du « Parce que je suis Capricorne » visible dans la bande-annonce en est le parfait exemple. Les acteurs ? En roue libre totale, alors que certains sont pourtant habitués à ce genre de production (Milla Jovovich, Ian McShane…). Les effets spéciaux ? Que ce soit le mauvais maquillage (les cornes de Hellboy remuent souvent) ou bien le rendu lamentable par ordinateur, tout semble faux. Le montage ? Une anarchie d’envergure, ne cachant pas ses ellipses impromptues et ses effets foireux (voix-off, séquences parallèles, introduction…) les multiples réécritures et coupes du projet. Ce qui donne au film une impression d’inachevée et de précipitation. La mise en scène ? Aux fraises, nous offrant des plans sans envergures, d’une platitude exaspérante. Le combat avec les géants illustre très bien ce constat, cette séquence étant tout simplement loupée et dérangeante dans son application – une espèce de mix entre une action sortie tout droit de John Wick et un visuel de jeu vidéo, le tout sans aucune ampleur. La direction artistique ? Entre l’envie de faire du del Toro avec de « vrais » effets spéciaux sans en avoir le talent et une surdose de mauvais numériques, nous obtenons un rendu véritablement laid. Se rapprochant même par moment de la parodie de série Z style Spartatouille et Super-Héros Movie, comme en témoigne le flashback désastreux des origines de Hellboy – la même chose que ce qu’avait fait del Toro dans le premier film, mais la créativité en moins, le ringard et le mauvais goût à la place. Le fun promis par la promotion ? Noyé sous ce risible gloubi-boulga du Diable. Le gore ? Bien présent mais fade au possible. Et encore, la liste est longue…


Y-a-t-il au moins quelque chose à sauver de ce long-métrage sorti tout droit de l’Enfer ? Malheureusement non… Mais alors, vraiment rien ! Si la violence et le plaisir qu’a eu Neil Marshall à la filmer (surtout lors de l’attaque des démons durant le climax) peuvent « divertir » le temps de quelques secondes, cela ne sauve pas les meubles pour autant. Loin de là ! Son Hellboy est clairement une honte. Une insulte aux spectateurs, pris pour des abrutis par des producteurs croyant connaître les exigences du public mais faisant tout bonnement n’importe quoi. Le personnage de Mike Mignola était une réussite poétique et artistique. Il est devenu une erreur marketing. De quoi ternir son aura mais aussi la saga de del Toro, dont nous regrettons encore plus l’annulation du troisième volet. Ridicule, grotesque, fade, lourdingue, pitoyable… tous les qualificatifs péjoratifs sont de rigueur ! L’art et la liberté des réalisateurs sont-ils morts au sein des studios hollywoodiens ? Si certains cas isolés prouvent le contraire, la plupart des blockbusters sortis récemment ne parviennent toujours pas à nous sortir de ce désespoir croissant… Cela reste un cliché, mais les producteurs américains sont bien les démons qui brûlent et détruisent de grands artistes dans cet Enfer macabre que nous appelons business, ou encore Hollywood.


Critique sur le site --> https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/hellboy-reboot-film-neil-marshall-critique-10012202/

Créée

le 10 mai 2019

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