C'est étonnant. Une adaptation dont je n'ai pas vu le matériau d'origine, mais que je suppose fidèle au vu de la façon dont le récit se déroule et même comment l'action est filmée. Un film boudé pourtant on nous propose enfin autre chose que la soupe habituelle. Mais le plus étrange, c'est que cette histoire semble n'être... qu'un épisode !!!! Pas d'origin story bien que ce soit un reboot, pas de connexion à un univers, pas même une proposition concrète de suite. Juste un épisode, une aventure, de Hellboy et sa complice. Et ça fonctionne bien.
Parce qu'on est dans le feu de l'action assez vite, on ne perd pas de temps à présenter les personnages, ils se révèlent au travers de l'action tout simplement. Pas de coolitude, Hellboy est traité comme n'importe quel personnage, on en oublie même qu'il s'agit d'un super héros. Et l'aspect fantastique est lui aussi banalisé. Les forces occultes sont montrées avec beaucoup d'emphase, oui, mais parce qu'elles sont dangereuses, et non pas pour faire mouiller le slip du nerd accompli.
Le défaut principal réside peut-être dans la façon d'établir les conflits ; la narration est telle qu'il y a une forme de détachement, c'est presque du Bergman dans la façon de prendre de la distance, sauf qu'on ne s'attend absolument pas à ça dans un film de super héros : les péripéties en deviennent moins fortes, plus introspectives, d'ailleurs les personnages ont beaucoup à dire. La philosophie reste de bas niveau, mais c'est tout de même stimulant de voir qu'on peut faire un film de super héros pareil.
Et ce qui surprend aussi c'est que ce traitement est filmé par Brian Taylor, vous savez, le gars qui a fait ce film avec Statham qui doit se défoncer à l'électricité régulièrement pour que son coeur continue à battre, dans une course folle contre la montre. On retrouve un peu sa façon de filmer, sa caméra bouge bien, avec des beaux rapprochés et un rythme nerveux assez dingue par moment, mais sans jamais rien perdre de la lisibilité des scènes.
Le bougre apporte un soin non négligeable à la photographie et l'ambiance, n'hésitant pas à plonger ses personnages dans l'obscurité totale, sans ajout de filtres grotesques mais au contraire en exploitant une belle lumière naturelle, blanche, chose trop rare au cinéma de nos jours (ce n'est que dans les films tournés sur pellicule qu'on peut encore espérer voir un vrai blanc). Même si Perlman est et sera toujours le meilleur HellBoy (et pourtant je ne suis pas fan de Del Toro), l'acteur ici (censé incarner un HellBoy plus jeune) offre une honnête performance, sans jamais trop en faire ; ses partenaires apportent beaucoup aussi ; il est rare que l'on puisse vraiment apprécier une performance dans un film de super héros, sans doute parce que le jeu est moins théâtral, moins dans l'esbrouffe.
Peut-être aussi parce que le réalisateur emprunte beaucoup au cinéma d'horreur plutôt qu'au MCU et au DCU ; peut-être la BD possède-t-elle une ambiance similaire, ça ne m'étonnerait pas, en tous cas ça fonctionne, même si ce n'est pas très gore, on sent une pointe d'épouvante efficace. En terme d'effets spéciaux les CGI ne sont pas terribles mais sont exploités avec parcimonie, le réalisateur ayant le plus souvent possible recours à des effets de cadrage, de mouvement de caméra ou encore de montage pour créer certaines illusions ; comme le film ne repose pas sur son action et ses effets, ça passe parfaitement bien.
Bref, belle surprise que cette suite passée un peu inaperçue alors qu'il s'agit sans doute d'un des meilleurs épisodes de HellBoy (il me faudrait revoir le premier opus qui était le seul à m'avoir plu à l'époque mais j'ai peur qu'il ait mal vieilli) et moi je suis partant pour d'autres suites mais avec le même traitement ; pas forcément le même genre d'influence, pas forcément le même réalisateur, mais une production modeste qui raconte quelque chose et non pas juste un énième blockbuster de super héros qui se la pète en sauvant le monde. MCU et DCU devraient en prendre de la graine.