A perfect face. A perfect lie.
Au début, cela s'annonçait plutôt bien. Je me préparais même à l'éventualité d'une petite claque. La mise en scène est d'office outrancière, mais cela pouvait aussi présager du meilleur, car quand ces choses-là prennent, c'est avec une efficacité remarquable. Hélas, le film s'est bien vite laissé rattraper par la gratuité.
Visuellement, c'est époustouflant. Erika Sawajiri est d'une telle beauté impeccable que l'on ne peut détacher ses yeux d'elle. Elle captive. Alors quel besoin de rendre son personnage si excessif ? L'image ne remplit-elle pas déjà assez bien ce rôle ? Dès les premières secondes où Lilico s’exprime, l'on se crispe : c'est déjà trop archétypal.
On peut un instant le pardonner. On peut le pardonner parce que Lilico est un personnage en creux. Dépassée par la force qu'elle n'a acquise que par l'artifice d'une beauté achetée, et qui est sans doute beaucoup plus qu'elle ne peut maîtriser. Un pouvoir qui l'a redéfinie en tant qu'être humain et qui est pourtant sur le point de lui glisser entre les doigts en même temps que sa jeunesse. La vanité de ses actes, l’absurdité de son comportement, son instabilité émotionnelle, l’absence de sens même pourrait ainsi prendre sens. Seulement, voilà : le personnage de Lilico n’est pas le seul plongé dans l’incohérence et l’excès. Même les décors le sont : qu’est-ce que cet appartement rouge d’un goût douteux ?
Un instant encore, on se dit que tout cela est au service du scénario, que c’est une mise en exergue, une exagération qui vise à véhiculer l’ambiance du film… Voici d’ailleurs qu’un flic se met à parler comme un poète-philosophe de bas étage, et si son assistante le relève, et que l’on croit y voir la confirmation ironique d’un message critique… qu’en advient-il par la suite ? Dans quel néant scénaristique ce second degré entrevu s’est-il dissous ?
Plus les minutes défilent et plus se fait prégnant le sentiment que l’incohérence et la gratuité président simplement à l’écriture du film. A commencer par la multiplication des scènes de sexe, qui plus que gênante devient – bien pire ! – lassante. Plusieurs pistes sont lancées qui sont à peine effleurées, on ne sait plus vraiment quelle histoire l’on suit. La déchéance physique de Lilico ? Sa déchéance mentale ? Sa jalousie ? Son épuisement ? Son passé qui la rattrape ? Tout cela va de concert, bien sûr, mais à force de faire des aller-et-retours entre les occasions de chute, plutôt que d’être abruptement précipitée, elle tombe si lentement qu’on finit par s’ennuyer.
En fait, cela ressemble un peu à un épisode de Game of Thrones, où le temps que l’histoire de chaque personnage se déroule, il ne s’est rien passé. Et du coup, on cale des scènes de sexe partout pour garder l’attention du spectateur. Sauf que le fond de Game of Thrones est beaucoup plus travaillé, et la forme mieux maîtrisée.
Et puis la fin, la fin ! Une demi-heure de trop, une demi-heure que ce film passe à agoniser sans pouvoir rendre l’âme, où le rythme s’est entièrement sacrifié sur l’autel de l’esthétisme, pour des plans certes magnifiques, mais une irritation des plus profondes.
Bon, j’ai taillé ce film avec acharnement, mais il n’est pas si mauvais – ma note en témoigne. D’ailleurs, si je m’exaspère à ce point, c’est bien parce que j’y vois du potentiel. Il y a de belles phrases et la critique de la société de l'image et de la culture des idols ne demande qu'à s'épanouir un peu plus finement. Et puis je l’ai dit, Erika Sawajiri est sublime, et c’est aussi le cas de Kiko Mizuhara. Rien que cela vaut le coup de se délecter les pupilles. Après tout, ironiquement, c’est bien ce que nous dit le film : en fin de compte, on ne recherche que la beauté, qu’importe l’objet, qu’importent les raisons.
"We'll be forgotten. [...] Desire doesn't care. It just keeps on with another name, and another face."