Henri et Rosette!
C'est un café restau de quartier, où viennent les voisins et les travailleurs du coin. Petit café le matin, déjeuner à midi et une bière le soir. Quelque part en Belgique, du côté de Charleroi, pas bien joyeux. La Cantina s'ouvre, s'anime, grâce à la gaîté de la belle patronne Rita (Lio) et à la cuisine du patron, Henri (Pippo Delbono), jusqu'au jour où la patronne décède et leur fille suggère d'embaucher une «papillon» pour faire le service en salle.
Une papillon c'est le nom qu'on donne aux pensionnaires de la maison des handicapés pas loin du bistrot. Il suffit de traverser la passerelle, longue et avec des zig et des zag, bien dans la symbolique de ce qui relie. En France les «papillons blancs» sont issus des associations de soutien aux parents et amis de personnes handicapées mentales, en créant notamment des établissements d'accueil.
Et la papillon, Rosette (interprétée par Candy Ming), va progressivement y faire sa place, entre le taciturne Henri, et ses potes Bibi et René (Jackie Berroyer et Simon André), joyeux et parfois tristes comparses de beuverie et de réflexions autour de leur passion commune, la colombophilie (magnifique lâché de pigeons-voyageurs avec Rosette en liberté, presque volant...). Elle que rêve d'être comme tout le monde, en liberté et éprise d'amour.
Mais pour l'extérieur ce qui s'y vit, ce qu'elle fantasme, ce qui se joue, n'est pas bien normal, il y a même des soupçons (et on ne fait pas ça avec des handicapés...). En colère, Henri décide de partir, de tout envoyer balancer, d'aller vers la mer. Rosette plus autonome que ce qu'on en pense, cachée dans la voiture elle va faire partie du voyage, jusqu'au bout de ce qui est possible pour eux de vivre.
Et c'est là qu'on est admiratif de cette force de la réalisatrice, Yolande Moreau, qui va les prendre au sérieux eux, qui n'ont pas les clés, comme elle le dit, pour vivre dans cette société peu tolérante envers la différence, le handicape! Peu de fois, une maison pour des gens pas comme les autres a été filmée avec autant de respect, de simplicité, d'empathie, disons comme la maison des autres, comme la nôtre!
A la séance de présentation au Forum des Images (en juin 2013), Yolande Moreau nous a rempli d'humanité et d'humour pour nous parler de ce film qui a mis tant de temps à se faire, partageant avec le public son engagement à raconter simplement une histoire, traversée par l'émigration italienne et par son regard sur les profils singuliers que son film nous fait découvrir.
La sortie en salle est prévue pour le 4 décembre 2013. Notez-le sur votre agenda car la rencontre avec Henri et Rosette (deux interprétations bien en harmonie avec ces rôles dans les marges de la vie) vous apportera un beau moment de cinéma et Yolande Moreau mérite bien notre présence.
Publié in http://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/120613/toujours-la-quinzaine-henri-rosette-et-sombra