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Dans un futur proche à l’esthétique propre et rétro, où les voitures sont absentes, la pauvreté inexistante, où tout le monde peut vivre dans un appartement avec vue et aller à la plage en semaine, Theodore se sent seul depuis sa rupture, et trouve une accroche salvatrice en Samantha, son nouveau système d’exploitation. Dans un monde qui semble avoir éradiqué les problèmes sociaux et environnementaux, ce sont les relations humaines qui sont remises en question par leur caractère hyper-connecté, faisant émerger de nouveaux enjeux via l’isolation. Le malheur est que dans notre réalité, ce problème inédit a bien vu le jour malgré la subsistance de tous les précédents.
Et si les couleurs chaudes et diaphanes que nous livre la photographie de Hoyte Van Hoytema (Nope, Interstellar, Oppenheimer, Ad Astra…) pourrait laisser croire à un récit réconfortant, la brume qui recouvre tout d’un cocon ouateux doit bien se lever lorsque le réel est enfin accepté. Car si la voix sensuelle de Scarlett Johansson est parfaite pour rendre crédible l’idylle entre l’homme et la machine, que l’OS traduit humainement les notifications, faisant entendre à l’humain ce qu’il veut, qu’aucune malveillance n’émerge, juste une programmation qui vise à gommer la distance entre réel et artificiel, tout cela est voué à finir de la pire des manières tant la vie semble inconciliable avec les circuits imprimés de Sam.
her anticipe de façon juste toutes les problématiques soulevées par la présence de plus en plus prépondérante des I.A. dans notre vie, alors même que la pensée critique est jugée plus pénible qu’un simple recraché de ChatGPT, que l’art est en péril face à l’automatisation de tâches d’apparence anodine mais qui font l’âme des œuvres que nous chérissons, que l’information peut être falsifiée en deux clics et une parole, et que les rencontres ne se font plus que par réseaux interposés.
Pourtant le film touche, par son personnage, lui-même créateur de liens factices au travers de lettres qui s’approprient les sentiments d’autrui et efface le besoin de communiquer de ces derniers, qui trouve un bonheur qu’il n’espérait plus, qui ressent des émotions qu’il croyait perdues à jamais, à travers une histoire de bits.
Mais peut-on se contenter d’être heureux lorsque l’on sait ce bonheur factice? Le bonheur est-il une fin en soi? Theodore ne grandit-il pas émotionnellement grâce à ce qu’il vit avec Samantha? Spike Jonze ne jette jamais la pierre, mais nous interroge sur le sens que chacun recherche, et sur la question de l’identité à l’ère de la connexion, l’ère la moins propice à tisser de réels liens. Et il le fait d’une bien belle manière.