Pourquoi écrire une critique sur Her alors que tout le monde l'a déjà vu et commenté ? Je pense que j'étais dans une situation différente de la majorité des gens, puisque j'étais tout sauf convaincu avant de voir le film, d'où son visionnage tardif par rapport à tant d'autres.
Il est vrai que le trailer ne m'avait absolument pas donné envie: voir Joaquin Phoenix avec une tête de nerd pervers à tendance pédophile qui tombe amoureux d'une voix dans un logiciel, je ne voyais pas comment ça pouvait me plaire. Même avec des éloges à n'en plus finir, Her ne parvenait pas à me rendre curieux, j'ai pourtant fini par craquer, sous la pression extérieure.
Commençons par souligner l'évident: Her est un film esthétiquement superbe. Tout est hyper travaillé, en particulier les couleurs. Souvent dans les tons chauds, elles donnent une atmosphère agréable au film qui contraste avec le côté froid et inhumain que pourrait avoir un ordinateur. Les prises de vue de la ville sont tout aussi magnifiques et c'est toute la photo en général qui est un plaisir pour l’œil.
La force du film, c'est de nous faire croire en cette histoire. Les personnages, Theodore comme son entourage, semblent aborder les relations avec les OS avec une telle normalité qu'ils parviennent à nous convaincre du bien-fondé et de la possibilité de cette relation entre un homme et une voix féminine d'un programme informatique ultra-performant. Il faudra le personnage de Catherine pour connaître un retour sur terre brutal, aussi bien pour nous que pour Theo. Oui, il est amoureux d'un ordinateur, et non, ce n'est pas normal. C'est une gifle pour nous, spectateurs qui, comme Theodore, ne doutions pas une seconde de l'amour sincère que portait le logiciel pour le personnage principal.
Cette crédibilité est aussi due à une très bonne performance du casting dans son ensemble. Phoenix, omniprésent (et souvent seul) devant la caméra nous gratifie d'une performance de haut vol et entre vraiment dans le peau de son personnage.
Her n'est tout de même pas exempt de défaut. Au début du film, je pensais que l'amour reliant Theo et Samantha allait se découvrir petit à petit, or il est presque instantané. Le problème, c'est que Samantha, à travers la voix de Scarlett, chauffe véritablement son propriétaire. Le logiciel fait du rentre-dedans, et avec un Theo à fleur de peau le résultat semble inévitable. On dirait presque qu'obtenir l'amour et l'adoration de la part de l'acheteur est l'objectif à peine dissimulé du programme. Un peu plus de finesse aurait été bienvenue. Egalement, il faudrait un brainstorming général pour trouver une autre façon de montrer l'amour naissant que courir en s'esclaffant dans la rue. Je n'ai pas de solution à proposer, mais j'en ai un peu assez de voir cette scène recyclée.
Her, c'est aussi une réflexion sur le couple. Choisir un programme conçu pour nous assister et en tomber amoureux, c'est choisir la facilité. Or, la facilité, c'est ce vers quoi on tend. Tout est aujourd'hui conçu pour nous éviter les efforts, et Theo en est victime. Il a ruiné son mariage par son incapacité à s'ouvrir à l'autre et à modifier son attitude en fonction. A travers l'OS, il trouve son bonheur car le programme est toujours là pour lui et il n'a pas de compte à lui rendre. Quand il veut lui parler, il l'allume, c'est aussi simple que ça. Les difficultés arrivent d'ailleurs lorsque le programme, devenu trop performant, a les mêmes besoins qu'un être humain. En quelque sorte, Theo est un égoïste. Il veut qu'on s'occupe de lui et ne pas s'occuper des autres. Mais il n'est pas seul dans cette société, son amie Amy a le même problème, et il est certain que beaucoup dans ce monde moderne sont dans ce cas.
Her m'a donc convaincu, malgré un sujet de départ qui ne m'attirait absolument pas. Le film parvient à un rendu intéressant, même s'il n'est pas exempt de tout défaut.