Bienvenue chez les handicapés sentimentaux
Ne vous méprenez pas, je n'ai pas détesté ce film.
Et c'est ce qui m'ennuie le plus, en fait. Ma raison me suggère de le détester mais mon coeur, lui, a aimé. Il s'agit d'un film trop long, coloré et aseptisé, qui fait état d'une relation sentimentale entre l'homme et la machine, sur fond de villes polluées avec des passants déambulant dans les rues tels des zombies. Les paradoxes fourmillent. Une machine qui semble plus humaine que l'homme, l'homme qui semble plus robotique que la machine, des styles vestimentaires rappelant les années 70 — la belle époque, en somme — qui viennent contredire la modernité voire, le futurisme des personnages principaux. Les couleurs sont en complète contradiction avec la neutralité des sentiments. Le spectateur assiste à cette représentation effrayante de ce que pourrait bien devenir notre civilisation dans les années à venir, dans un environnement pollué où règne la suprématie de l'ultratechnologie, la nécessité technologique à la moindre action, pour combler ou au contraire créer du superflu, seul sauveur capable de rythmer la monotonie de la pauvre vie humaine.
Le film retrace de manière assez simple cet épisode transformateur de la vie du personnage principal, certaines scènes vont parfois très loin notamment celles à caractère sexuel ou érotique mais c'était à mon avis nécessaire pour que le spectateur puisse percevoir l'abérration et le caractère purement absurde de la situation, qui existe pourtant de manière plus modérée dans notre société. Ainsi, les plans simples et les dialogues très profonds aident à envisager cette triste possibilité, sous tous ces angles possibles et imaginables. La révélation de la relation aux proches, la présentation aux amis, le passage à l'acte sexuel, la première dispute... Tous ces éléments peuvent laisser le spectateur perplexe, et c'est ce qui est arrivé pour ma part. Le début était prometteur, mais le milieu du film semble avoir été victime d'une perte de contrôle du réalisateur sur des considérations qui ne mènent nulle part. C'est la raison pour laquelle le film semble très long à partir de la fin de la première heure. Il n'y a quasiment plus aucune péripétie et même si l'on se laisse volontiers guider par la beauté des textes et la profondeur philosophique de ceux-ci, il n'en demeure pas moins que le spectateur n'est pas censé suivre le raisonnement du réalisateur si celui-ci ne lui montre pas.
Il n'en demeure pas moins un film remarquable et nouveau dans son genre. Remarquable par la sincérité des dialogues et l'originalité créative qu'il dégage, nouveau par son caractère tristement "envisageable", les films de science fiction n'ayant jamais été pris au sérieux car ne pouvant vraisemblablement jamais arriver dans la vie réelle. Enfin, le jeu de Joaquim Phoenix mérite toute la reconnaissance possible, peu d'acteurs seraient à mon avis difficilement capables de réaliser une telle performance.