S'il y a bien un film où la question de la voix est importante c'est celui-ci.
En effet, Théodore (Joaquin Phoenix), quitté par sa femme, va trouver une oreille et une voix réconfortantes auprès d'une intelligence artificielle répondant au doux nom de Samantha et conçue pour être la compagne virtuelle parfaite. La "relation" va se construire essentiellement sur la base du langage : de confidences en confidences, de complicité en complicité, notre humain de chair et d'os va s'attacher à cette voix qui le connait si bien (elle a accès à son ordinateur, ses mails et ses réseaux sociaux !)
Or c'est justement cette question de la voix de Samantha qui m'a interpellé.
Spike Jonze a fait le choix d'une voix immédiatement identifiable, celle de l'actrice Scarlett Johansson. Une voix légèrement rauque tout en étant très féminine. Le choix de cette actrice dont la sensualité ne se limite justement pas à la voix ne doit évidemment rien au hasard puisqu'il amène le spectateur à visualiser Scarlett Johansson lorsqu'il entend parler Samantha.
Mais ce choix est-il judicieux ? Personnellement j'ai quelques réserves. Lorsque nous avons affaire à une intelligence artificielle que ce soit par exemple celle de son GPS ou de Siri (Apple), cela ne nous renvoie pas à une personne en particulier. La voix existe pour elle-même, affranchie de la représentation d'un corps. Ce n'est pas pour autant qu'elle est neutre ou totalement impersonnelle, une voix artificielle peut-être féminine (ou masculine d'ailleurs !) sans pour autant devoir s'incarner. Or cette liberté - d'imaginer ou de ne pas imaginer (un corps, un visage...) nous est en quelque sorte enlevée, de même qu'elle est enlevée à Joaquin Phoenix, l'acteur par le fait même d'imposer, hors champ, la présence de Scarlett Johansson.
La situation présentée dans le film est ainsi troublante : Phoenix joue Théodore qui n'est pas censé connaitre cette voix que nous même spectateur identifions de suite. C'est-à-dire qu'en tant que spectateurs nous sommes assujettis à une image mentale de Samantha qui n'a pas de raison d'être dans les pensées de Théodore. Cela pose à mon avis un double problème de liberté et de sincérité : pourquoi devrais-je subir cette représentation mentale de Samantha là où Théodore n'y est pas contraint ?
La situation aurait été à mon avis plus cohérente avec une voix inconnue. La scène où Samantha se sert d'une jeune femme pour coucher avec Théodore n'en aurait été que plus forte alors que dans le film il y a télescopage entre le corps réel de cette jeune femme et celui de Scarlett Johansson.
Bref, j'aime Scarlett - fantastique dans Under the skin - mais là, j'aurais autant aimé ne pas l'entendre, ni la "voir".
Un film plutôt réussi par ailleurs.
Personnages/interprétation : 7/10
Histoire/scénario : 7/10
Réalisation/mise en scène : 7/10
7/10