Ce n’est pas la première fois que je vois Hero de Corey Yuen. La première fois, c’était en 2001, aux débuts de HKMania, au format VCD à la qualité plus que moyenne, sous-titré anglais, et j’avais fortement apprécié, l’auréolant d’un 7.5/10. Alors forcément, lorsque j’ai eu le blu-ray Spectrum Films entre les mains, il me tardait de voir ce que ça allait donner en bien meilleure qualité, histoire de mieux apprécier le visuel soigné du film, et surtout voir si, 20 ans après, mon avis allait changer. Mais alors que parfois un film ne supporte pas un second visionnage, Hero est tout aussi divertissant la deuxième fois que la première fois. Bien entendu, le film a ses défauts, ma préférence du réalisateur restera à jamais Righting Wrongs (Une Flic de Choc chez nous), mais il est à n’en pas douter le film le plus abouti de Corey Yuen.
La Show Brothers a longtemps régné en maitre à Hong Kong, principalement dans les années 60, 70 et début 80. Ceux qui s’intéressent au ciné HK le savent, le milieu des années 80 a signé la mort du célèbre studio qui a vivoté sur le grand écran, ne produisant qu’une poignée de films par la suite. De 1990 à 1995, seuls deux films estampillés Shaw Brothers ont vu le jour : Look Out, Officier (1990) et Tragic Commitment (1995). Lorsqu’ils reviennent en 1997 avec Hero, ils tentent de marquer les esprits en produisant un remake d’un de leurs films les plus cultes, à savoir Boxer From Shantung (1972) de Chang Cheh, sorti chez nous sous le titre Le Justicier de Shanghai. Mais nous sommes à la fin des années 90, la Shaw Brothers n’a d’autres choix que de vivre avec son temps, et bien qu’on retrouve ce héros si puissant qu’il peut briser des doigts simplement en poussant le poing d’un adversaire, on retrouve cette énergie des années 90 du cinéma de Hong Kong avec tout ce que cela comporte de chorégraphies inventives et parfois folles héritées des neo wu xia pian, avec un montage des scènes d’action bien plus nerveux, bien plus cut, mais malgré tout lisible et surtout réussi. Car ici, ce n’est pas n’importe qui à la barre des scènes d’action, il s’agit de Corey Yuen et Yuen Tak, deux monstres martiaux, qui, bien qu’ils ne signeront pas ici leurs meilleures chorégraphies, se lâchent bien comme il faut pour le plus grand plaisir de l’amateur du genre. Les scènes d’action sont vraiment bonnes, bien que parfois un peu courtes. Parfois, c’est la folie qui parle, comme lors de ce combat en un contre un, sur le même cheval, très fun, au montage certes un peu chaotique, mais qui une fois de plus est la preuve irréfutable que les réalisateurs et chorégraphes hongkongais sont les meilleurs et termes d’inventivité et d’ingéniosité lorsqu’il faut laisser place à l’action. Le film va trouver son apothéose lors de son final complètement jouissif, semblant renvoyer au cinéma heroic bloodshed de John Woo et, par conséquent à celui de son mentor Chang Cheh (le réalisateur du film original donc). C’est sanglant, ça respire la fraternité, c’est épique, et le seul regret qu’on a au niveau de l’action, c’est que le potentiel de certains acteurs ne soit pas plus exploité.
En effet, Yuen Wah est un des meilleurs artistes martiaux de Hong Kong et il sert ici uniquement à amener l’humour, au même titre que le réalisateur qui se donne un petit rôle. C’est doublement dommage car, bien que cet humour ne soit jamais envahissant, il dénote un peu du ton général du film, assez sombre et violent. En effet, avec son histoire de gangster qui gravit les échelons un peu trop vite et qui va en subir les conséquences, Hero vire peut-être un peu trop vers le mélodrame à mi-film. Bien que cela donne de la force au récit et de la consistance aux personnages, cela dessert un peu le rythme et lui donne un petit ventre mou malgré sa courte durée. Mais cela en soi, ce n’est pas gênant car cela va donner une réelle intensité au dernier acte du film, débutant par un combat épique à un contre 100. Alors il est certain que l’histoire de gangsters qui nous est racontée est assez classique et ne surprendra à aucun moment pour qui a un minimum l’habitude du genre. On est dans les thématiques habituelles d’ascension, de trahison, de cupidité, de pouvoir qui corrompt tout, d’amour refoulé, de loyauté, … Mais l’ensemble est homogène et l’esthétique générale du film, ses beaux plans larges, sa reconstitution de l’époque soignée, lui donnent un joli cachet. Et puis le casting y croit. Takeshi Kaneshiro, qui trouve ici son premier rôle principal dans un film d’action, se donne à fond dans les scènes martiales, réalisant une partie de ses cascades lui-même. Mais surtout Yuen Biao, plus en réelle odeur de sainteté dans le ciné local de cette époque, trouve ici un rôle dans lequel il bouffe l’écran. Charismatique à souhait, il monopolise l’attention dès qu’il apparait, volant la vedette à tout le reste du casting, et pas que lorsqu’il faut balancer des tatanes. Aucune idée si Hero cherche à n’être qu’un divertissement pur et dur ou s’il cherche à être plus que ça. On pourrait voir un parallèle entre l’ascension, puis la chute, du personnage de Ma Wing-Ching et l’ascension, puis la crise avec l’approche de la rétrocession de 1997 (date à laquelle est sorti le film), du cinéma de Hong Kong. Mais dans tous les cas, en termes de divertissement, malgré l’absence d’originalité, Hero remplit son contrat haut la main.
En modernisant Boxer From Shantung à la sauce 90’s sous la houlette de la Shaw Brothers, Corey Yuen signe avec Hero un divertissement aux scènes d’action très réussies et à l’histoire simple mais efficace. Un film à (re)découvrir.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-hero-de-corey-yuen-1997/