Film de la période dite du Pré-Code, tourné par le grand William Wellman, Heroes for Sale raconte le retour à la vie civile d'un soldat américain à la fin de la Première Guerre mondiale. Celui-ci, blessé et capturé par les Allemands, va revenir au pays avec une addiction à la morphine qui va compliquer sa réintégration.
Moment relativement peu connu et très spécifique de l'histoire du cinéma américain entre 1929 et 1934, le Pré-Code est l'une des périodes où celui-ci fut le plus libre et inventif. Pour résumer rapidement, il s'agit des films produits avant l'application du Code Hays à Hollywood, sorte de charte d'auto censure imposant des règles très précises et proposée par les studios eux-mêmes à la fin des années 20 à cause des différents scandales ayant éclaté dans la presse et face à la pression de certains groupes religieux. Bien que rédigé, le code mettra un certain temps avant d'être réellement appliqué, ce qui donnera pendant environ 4 ans un cinéma très libre, que ce soit dans le ton des films ou dans la représentation de la violence et de la nudité.
Cette liberté de ton, nous la retrouvons très rapidement pendant le visionnage de Héros à Vendre, Wellman n'a ici pas peur d'aborder des sujets qui fâchent, et ce sans démagogie. Il s'attaque alors très frontalement à la question de l'addiction à la drogue, du chômage de masse, au manque de reconnaissance de la société envers les soldats a la fin de la guerre, à la difficulté de réinsertion des prisonniers après la vie carcérale et enfin du communisme et de comment celui-ci est réprimandé durement aux États-Unis.
Sorte de raisins de la colère avant l'heure, tant le film, à travers la Grande Dépression, va dépeindre des mouvements sociaux encore en germe a l'époque, le film marque également par sa très grande ampleur. Grâce à un rythme très soutenu et sans temps mort, Wellman réussit l'exploit de nous raconter la vie de son protagoniste principal sur une dizaine d'années en donnant une dimension de fresque à son récit et cela en l'espace d'une heure dix, là où aujourd'hui un réalisateur serait incapable d'en faire un film de moins de deux heures et demi.
D'une efficacité implacable, Heroes for Sale est à découvrir sans hésiter, comme de nombreux films de ce début des années 30 qui étaient alors beaucoup moins puritains que ce qu'a pu produire le cinéma américain par la suite avant l'arrivée du Nouvel Hollywood.